
Nadir Dendoune en 2010, alors qu’il organisait la Journée sans immigrés © Audrey Cerdan / Rue89
Nous apprenons à l'instant, jeudi 14 février 2013, 17h30, que Nadir Dendoune vient d'être remis à l'ambassade de France en Irak.
Pour la première fois après quinze jours derrière les barreaux d'une prison bagdadi, le journaliste Nadir Dendoune sort brièvement de l'isolement, mardi 5 février, pour comparaître devant un juge d'instruction. Engagé dans des causes humanitaires, ce reporter dépêché par le Monde Diplomatique, rejoint le répertoire des martyrs de la presse. Quels sont cette fois-ci les motifs d'arrestation? Des clichés illégaux. Que montrent-ils ? Le QG des services de renseignements irakiens, des barrages policiers et militaires. Les armes du crimes ? Un appareil photo et la volonté de montrer le visage de l'Irak, dix ans après l'agression américaine, soit « exercer son activité journalistique » selon son avocat Me Roubaiye. Si ce dernier précise que le journaliste a «joui de tous ses droits (pendant sa comparution)», on s'interroge. Depuis quand est-il interdit de jouir de ses droits en dehors d'une comparution? De nationalité française, algérienne et australienne, couvert par un Visa et une lettre de mission d'un mensuel internationalement reconnu, est-il soustrait à la liberté d'expression? Alors que les 22 et 23 novembre derniers, l'Irak a notamment été sélectionné pour tester la mise en œuvre d'un plan d’Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, Nadir Dendoune, lui, reste en prison sans chef d'inculpation officiellement avéré. D'après Reporters sans frontières (RSF), il n’a pas encore pu recevoir de visite des services consulaires français.
Alors qu'un comité de soutien à Nadir Dendoune, à l'initiative de ses proches, et RSF en appellent à sa libération immédiate, les Etats-Unis semblent moins préoccupés par ce nouvel outrage aux droits internationaux. En ignorant le veto de l'ONU en mars 2003, ils s'étaient montrés eux-mêmes peu scrupuleux sur ce genre de contraintes. A travers son objectif, c'est bien l'état désespéré dans lequel l'armée américaine a plongé ce pays que le journaliste montrait. Désormais muselé par des pouvoirs religieux qui se déchirent, l'Irak est soumis à la censure politique (150e pays dans le classement 2013 de la liberté de la presse selon RSF). Le gouvernement actuel interdit de photographier ses infrastructures. L'image pourrait-elle ébranler un ordre établi? Bouclier humain en 2003, c'est cette expérience qui a transformé le militant Nadir Dendoune en reporter. Aujourd'hui, il a préféré la photographie à son propre corps pour défendre une éthique. Aujourd'hui, son incarcération confirme la puissance de l'image comme sa nécessité de protéger ceux qui la créent.
Alors que la liberté de la presse devrait faire l'unanimité, pour le juge d'instruction c'est un dossier qu'il faut « étudier attentivement ». Le sort du journaliste reste en suspens, celui de la presse aussi.
Orianne Hidalgo