© Laurent Mareschal - Lost in Tala
Galerie Marie Cini 16, rue Saint-Claude 75003 Paris France
Fragments qui sommeillaient au purgatoire pendant des années, ces petits morceaux ont refait surface comme des bulles d’air. C’est effectivement à leur légèreté qu’ils doivent leur survie. Leur auteur nous a habitué à des pièces de longue haleine dignes d’une patience monastique, pas à des choses légères, éthérées. Ici tout est mouvement, d’où le titre.
Dés l’entrée on est accueilli par une sorte de fantôme, une prisonnière du vent attachée par les mains et qui semble se débattre. Le vent l’emportera montre une robe épouvantail, sorte d’apparition qu’il ne fallait pas manquer au détour d’un champ en plein cagnard.
Juste à côté, dans Lost in Tala, une pratiquante assidue du Baratanatyam (danse du sud de l’Inde), Ofra Hoffman, avec qui Mareschal coréalise cette pièce, fait disparaître sous ses pas une spirale en curcuma dessinée par terre. Allégorie de la fugacité de la vie, la danseuse voltige, se poudre de ‘’pollen’’, repart, efface ses traces.
On repasse devant le fantôme agité de la robe et l’on découvre une photo qui semble prise dans le même paysage, le même jour écrasé de chaleur dans le paysage biblique d’un village palestinien. Une ligne blanche se détache de la terre rouge du chemin et sépare le paysage en deux. Il s’agit du tracé du futur mur qui sépare depuis ce paysage en deux. Laurent Mareschal en avait fait une performance : White Line et montrait comment le mur sépare le village de ses terres. Cette image, comme les deux qui lui font face, ne sont pas de Mareschal mais de Tami Notsani. Ce sont des nocturnes vaporeuses. La première montre une maison de face à peine éclairée par de multiples illuminations, le tout baigne dans une faible lumière orangée sur fond de nuit noire. La seconde image n’est éclairée que par une sorte de biche luminescente et une guirlande qui court le long du toit d’un pavillon fenêtres closes.
© Laurent Mareschal - White Line
Etrange contraste entre le soleil brûlant de Palestine et les nuits froides bourguignonnes, mais il raconte bien les fondements biographiques du travail de Mareschal.
En bas c’est la nuit. Luciole est une lune vibrante tel un papillon de nuit qui chercherait une issue du cadre où il est enfermé ; il se cogne plusieurs fois, puis trouve enfin une issue. Vidéo à minima, haïku burlesque, cette petite forme est le pendant amusé de la projection qui la jouxte : Illuminations. Sur une musique lancinante (Godspeeed you Black Emperor !) s’égrainent les illuminations de Noël. La nuit est froide et profonde, il n’y a pas âme qui vive et les guirlandes (celles vues sur les photos en haut) font mine de croire en leur rôle.
Mareschal dévoile ici une sorte de journal intime filmé, vidéos tirées du quotidien vers une poésie altière. Loin des symboles qui ont émaillé ses débuts, il se tourne vers des allégories légères, épurées. Cet ensemble cohérent montre une facette moins connue de son travail et amorce de nouvelles pistes.
Roni Rofessoussim, commissaire d’exposition indépendant, février 2013, Jérusalem.
Photos et vignette © Laurent Mareschal