© Robert Capa et Gerda Taro
Musée d'art et d'histoire du Judaïsme 71, rue du Temple 75003 Paris France
Après New York (ICP 2010), Arles (Rencontres internationales de Photographie, 2011), Barcelone, Bilbao et Madrid, la légendaire valise mexicaine de Robert Capa contenant des négatifs de la guerre d’Espagne sera présentée pour la première fois à Paris, au MAHJ, dans une nouvelle scénographie conçue par Patrick Bouchain.
L’annonce officielle en 2008 de la redécouverte de cette valise – constituée en réalité de trois petites boîtes –, dont la trace avait été perdue depuis 1939, a provoqué un engouement considérable dans l’univers du photoreportage et de la recherche historique. Après plus de soixante-dix années de pérégrinations rocambolesques et de péripéties diverses, elle révélait son extraordinaire contenu : 4500 négatifs d’images de la guerre civile espagnole, prises entre 1936 et 1939 par Gerda Taro – compagne de Capa tragiquement disparue en 1937 pendant la bataille de Brunete –, David Seymour, dit Chim et Robert Capa. On y trouve également des clichés du photographe et ami Fred Stein, représentant Taro, des images qui sont devenues, depuis la mort de celle-ci, intimement liées aux images de la guerre elle-même. Une manne de documents en très bon état de conservation, et pour une large part totalement inédits, déployant le panorama détaillé d’un conflit qui a changé le cours de l’histoire européenne.
D’un exceptionnel intérêt documentaire, ces films et clichés racontent aussi l’histoire de trois célèbres photographes juifs, totalement investis dans la cause républicaine, qui, au prix de risques considérables, ont jeté les bases de la photographie de guerre actuelle et donné ses lettres de noblesse au photoreportage engagé. Portraits, scènes de combat, images rappelant les effets terribles de la guerre sur les civils : si certaines de ces œuvres nous sont déjà familières grâce à des tirages d’époque ou des reproductions, les négatifs de la valise mexicaine, présentés ici sous la forme de planches-contact agrandies, dévoilent pour la première fois l’ordre de la prise de vue, ainsi que certaines images totalement inédites.
© Robert Capa - Exilés républicains
Publiée chez Actes Sud, l’édition en deux volumes de La Valise mexicaine – sous la direction de Cynthia Young, ICP, New York – présente l’intégralité des films miraculeusement retrouvés, ainsi que des documents d’époque, des textes et des analyses critiques rédigés par les meilleurs spécialistes.
L’exposition sera accompagnée d’une large programmation dans l’auditorium et d’un album coédité avec Télérama (68 pages, 10 € 90).
La Valise mexicaine, perdue et retrouvée
En 1939, Robert Capa quitte en urgence la France pour les États-Unis, laissant dans son studio parisien, 37, rue Froidevaux, des boîtes contenant des négatifs et des tirages de la Guerre d’Espagne. Son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois lui aussi réfugié à Paris, les emporte à Bordeaux : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer mes paquets de films à son consulat pour qu’ils y restent en sûreté. Il a accepté ». On perd alors toute trace de ces images. Pendant près de quarante ans, elles sont recherchées en vain. Toutes sortes de rumeurs circulent sur l’existence de ces négatifs disparus. En 1979, Cornell Capa, frère du photographe, alors directeur de l’International Center of Photography, publie un encart dans une revue internationale de photographie en vue de recueillir des informations nouvelles sur ce film introuvable. Par la suite, plusieurs ensembles ou cachettes des photographies perdues de Capa sont découverts, mais pas les négatifs cruciaux. Ceux-ci sont en possession de Benjamin Tarver, un cinéaste mexicain qui les a hérités de sa tante. La défunte les a elle-même reçus d’un parent, le général Francisco Javier Aguilar González, ex-ambassadeur du Mexique à Vichy de 1941 et 1942. En 2007, Tarver finit par livrer les images à Trisha Ziff une conservatrice de Mexico. Ziff remet la Valise mexicaine à l’ICP le 19 décembre 2007.
© Gerda Taro - Spectateurs de la procession funéraire
Les photographes - biographies
Robert Capa (Budapest, 1913 – Thai Binh, Indochine, 1954)
Né Andre Friedmann, Robert Capa est l’un des plus célèbres photojournalistes du XX siècle. Il quitte la Hongrie et sa famille, des tailleurs juifs de Budapest, à l’âge de dix-sept ans, pour cause d’activités gauchistes, et se réfugie à Berlin. Il s’inscrit à la Hochschule für Politik et étudie le journalisme. Sans ressources ni profession, et avec peu de connaissances en allemand, il se tourne vers l’appareil photo pour gagner sa vie. En 1933, il s’installe à Paris, où il rencontre Chim, Stein et Taro. Il se fait rapidement connaître par ses photographies de la guerre d’Espagne, caractérisées par une proximité viscérale avec l’action, rarement vue auparavant.
Au fil des pellicules retrouvées dans la valise mexicaine, on peut observer Capa se déplacer avec ses sujets, courir après l’action, essayer de comprendre et de ressentir les événements de la même manière que ses sujets. En 1947 Robert Capa fonde l’agence Magnum Photos avec Henri Cartier-Bresson, Georges Rodger et Chim (David Seymour).
Gerda Taro (Stuttgart, 1910 – Brunete, Espagne, 1937)
Ce fut l’une des premières femmes photojournalistes reconnues. Née Gerta Pohorylle, élevée à Leipzig dans une famille juive de classe moyenne, elle choisit de s’exiler à Paris en 1933, où elle rencontre « André » Friedmann et se lance dans la photographie. Au printemps 1936, ils se réinventent pour devenir Robert Capa et Gerda Taro. En août de la même année, ils partent pour l’Espagne en tant que photographes indépendants dans le but de documenter la cause républicaine pour la presse française. Pionnière du photojournalisme, elle consacre sa courte carrière presque exclusivement à la photographie dramatique des lignes de front de la guerre d’Espagne. Son style se rapproche de celui de Capa, mais diffère par son intérêt pour les compositions formelles et le degré d’intensité avec lequel elle photographie des sujets morbides. Taro travaille aux côtés de Capa, avec lequel elle collabore de près. Lors d’un reportage sur la bataille de Brunete, conflit décisif de la guerre d’Espagne, elle est mortellement blessée par un char. Taro fut la première femme photographe tuée lors d’un reportage de guerre.
© Dawid Szymin (Chim) - Femme avec un bébé
Chim (Varsovie, 1911 – Suez, 1956)
De son vrai nom Dawid Szymin, grandit dans une famille d’intellectuels et d’éditeurs de livres en hébreu et en yiddish. En 1933, après avoir étudié les arts graphiques à Leipzig, il s’oriente vers la photographie pour gagner sa vie en poursuivant ses études à la Sorbonne. Bientôt reconnu pour ses photographies fortes des événements politiques liés au Front populaire, il collabore régulièrement avec le magazine communiste français Regards.
Comme Capa, il couvre la totalité de la guerre d’Espagne. Mais contrairement à Capa et à Taro, qui cherchaient à faire des prises de vue sur la ligne de front, la grande force de Chim est de s’intéresser aux individus en dehors du conflit, qu’il s’agisse de portraits officiels de personnages importants, d’images de soldats sur le front intérieur ou de paysans au travail dans des petites villes. À l’écoute de la politique complexe de la guerre, ses images sont chargées de sens et de nuances. Il est avec Robert Capa l’un des quatre fondateurs de l’agence Magnum Photos en 1947.
Plus d'informations sur http://www.mahj.org/fr/index.php
Photos © Robert Capa © Gerda Taro © Dawid Szymin (Chim)
Vignette © Gerda Taro et Robert Capa