© Agnès Varda
Galerie d'art du Conseil Général des Bouches-du-rhône Ho?tel de Castillon 21 bis cours Mirabeau 13100 Aix-en-Provence France
Dès l'entrée, on est transporté dans l’univers fantastique d’Agnès Varda. Collé, scotché, face au Rhône, le fleuve à nos pieds, fasciné par ces bouches diverses et variées, masculines, féminines, qui parlent, s’animent et nous signifient qu'ici, sur ce sol, plusieurs langues se chantent. Ici le mélange est roi, la diversité est reine et les habitants sont heureux d’échanger la musicalité de leurs mots.
Il y a bien sur le fleuve fédérateur et omniprésent mais il y a surtout, nichés dans ces « bouches », aux creux des bras du Rhône, ces hommes venus des quatre coins du monde formant le peuple de Provence.
« La richesse de ce territoire, disait Toursky, c’est sa population » et cela Varda le sait et c’est peut-être ce qu’elle aime le plus...les gens, la matière humaine. Les hommes et leurs histoires ; les histoires du groupe, des groupes ; les mots et les situations, les hasards c’est un peu tout cela qu’elle donne à voir dans la deuxième partie de l’exposition. Portraits de groupes d’hommes et de femmes qui mettent en avant un objet, une fleur, un poisson, dont l’appellation est le nom du quartier qu’ils habitent.
La transition se fait, par la suite, de façon évidente entre l’image fixe et l’image animée, ces deux univers si liés pour Agnès. Car pour elle, il n’est pas pensable de ne rien faire, de rester là ; Il faut à un moment ou l’autre passer à l’action, s’agiter, bouger, participer, créer. A ces images fixes, il lui faut inclure le mouvement et inclure un récit, une histoire, d’où cette merveilleuse œuvre mélangeant photo et film. Une photo du toit du « Corbu », prise en 1956, sur cette image des personnages en situation. Vingt ans plus tard, Agnès a besoin de donner corps à ces personnages. Elle a besoin de les faire basculer dans la troisième dimension. Elle va alors les animer, les faire incarner par des acteurs, tout à coup la photo vit, les personnages prennent corps, ils se racontent... Magique !
« Varda » comme on l’appelle, avec la force qu'a ce nom si mélodieux, arrive par son regard intense et malicieux, sa magie, son énergie à nous plonger dans une œuvre totale. Sorte de happening joyeux, sous la forme d’un voyage initiatique dont la quête serait... la joie du partage !
Véronique Traquandi
Commissaire
« Quartier du Merlan » © Agnès Varda Denis et Enza Luiguegia, bouchers, avec leurs clients et voisins
Chez maman, ils étaient douze enfants. Sa mère, Hélène Fraissinet, d’une grande famille marseillaise, était elle-même issue d’une fratrie de douze (sa mère aussi !). Les réunions de famille avaient lieu à Roquefavour près de l’Aqueduc et certains descendants s’y retrouvent encore. Ils m’ont gentiment prêté cette belle photographie de quelques-uns d’entre eux regroupés à la gare de Roquefavour-Ventabren. Je suis allée à la gare désaffectée et j’ai crée un cadre nostalgique pour cette histoire de famille.
Note d’intention d’Agnès Varda
Ma grand-mère maternelle était marseillaise. Mais nous vivions loin de là. J’ai découvert Marseille et la région dans les années 50. J’ai fait des photographies en Arles, en Camargue, à Tarascon, à Aix en Provence, à Saint Rémy puis, en 1984 autour de Saint Etienne du Grès où j’ai tourné Sans toit ni loi. En 1956, envoyée en reportage, j’ai pris une photographie sur la terrasse de la Cité radieuse du Corbusier. Cette image m’a inspiré, des années plus tard, deux projets : un film de fiction en vidéo, comme si les personnes de l’image avaient existé et qu’on voyait un moment de leur histoire avant et après l’instant de cette photographie et, récemment, sur cette même terrasse, un portrait de groupe. Des femmes qui sont des Citoyennes radieuses version 2012. On les verra parmi d’autres photographies dans la galerie des Bouches du Rhône à Aix en Provence dès le 12 janvier 2013. L’accueil se fera par une grande vidéo du Rhône où flottent des bouches. C’est plaisant d’illustrer la réalité d’un nom de département. Le seul d’ailleurs en France qui contienne un mot lié au corps humain. Pour aller plus loin, on verra même l’embouchure du Rhône vers la Mer. Une série de portraits de groupes racontera la diversité des habitants de Marseille, capitale du département et capitale de la Culture européenne en 2013. Les noms des quartiers m’ont amusée. Comme pour les Bouches du Rhône, je les ai illustrés tout simplement : la Pomme, le Merlan, la Rose, la Criée, le Panier, le Vélodrome... J’ai beaucoup aimé rassembler des habitants qui ne se connaissaient pas ou peu. Ils ont souri, ils ont crié, ils ont posé. Je les remercie de s’être prêtés de bonne grâce à mon album local. Associant photographie et cinéma, j’ai réalisé deux nouveaux portraits à volets-vidéo. Portrait photographique noir et blanc : Achille et Paris, du cirque Phocéen et Amélie des Majorettes de Vitrolles. Sur les volets de ces images, on voit ces enfants en pleine action et en couleur. Il y aura du monde dans la galerie puisque mes images y amèneront une bonne centaine de bucco- rhodaniens. Ces projets inédits répondent à l’invitation de Véronique Traquandi chargée de mission aux Arts Visuels du département. Je la remercie, ainsi qu’Annick Colombani-Gomez, Cécile Aubert et les élus du Conseil Général, de m’avoir invitée à me lancer dans cette aventure vidéo-photographique, que je n’aurais pas pu mener à bien sans l’énergie et la bonne humeur de Julia Fabry assistante et co-filmeuse.
Agnès Varda.
Vignette & photo © Agnès Varda