© Mélanie Fontaine
Galerie Joseph Antonin 40 rue Emile Barrère 13200 Arles France
« La question est le point de départ et d'errance d’Ulysse... De mers en mers, il cherche un point qui se dérobe pour l’heure à sa vue, un point qui se cache derrière l’horizon (...) Ulysse est l’image à la fois de cette aventure et de cette stase onirique qui le soutient : quelque chose existe par-delà les mers et les territoires physiques qui mérite d’être accompli et vaut à soi seul qualité d’expérience dangereuse, inédite, exemplaire. Non seulement le mythe est à ce prix, mais également le rêve pour rester une simple possibilité, une simple hypothèse, c'est-à-dire encore un mystère. » (Aurore Val, Le songe d’Ithaque, 2010)
Ulysse ou l’énigme du désir...
En référence et hommage au film de Douglas Sirk, Le Temps d'aimer et le temps de mourir (a time to love and a time to die), consacré aux instants de bonheur amoureux arrachés au chaos de la guerre et de l'existence, mélo flamboyant sur le thème de la mort et la promesse de la vie, la galerie Joseph Antonin propose en cette année 2013 un cycle d’expositions sur le thème de l’art et du désir, l’origine et la mémoire, le rapport à la nature et l’humain.
L’exposition consacrée au temps de vivre et d’aimer, à la palpitation du bonheur jusqu'à son extinction, décrit les puissances de la vie sous le signe du trouble et du jeu, convoquant le flux intarissable de l’imaginaire, la face virtuelle et débordante de son « iceberg ».
Qu’il s’agisse de tourner autour d’une piscine brûlante, sirupeuse, en plein été provençal, de célébrer l’émoi devant la beauté de la jeunesse vibrant dans un vase clos et transparent à l'image de l'Eden (Ludovic Zuili, The Golden Pool, vidéo ), de créer un dispositif miroitique autour d’un souvenir amoureux (Mélanie Fontaine, installation sans titre ), de s’interroger picturalement sur la tension entre silence et regard, sur la notion d'émotion à retardement (Guillaume Flageul, La chasse ), l’exposition traite de l’ambigüité de l’intime pour toucher à l’universel, et de l’obsession pour atteindre une vérité sensuelle, dérangeante, proche du court-circuit.
L'exposition Le Temps de vivre et d'aimer est le premier volet d'une approche du désir et de l'exil qui se développe tout au long de l'année (Féminisme, Shadow- Strangers than Paradise) et dont le dernier acte s'intitule Le Temps d'aimer et de mourir .
A partir des éléments réels d’une passion vécue, Mélanie Fontaine crée un dispositif autour des notions de voyeurisme et de fiction amoureuse. Jouant des potentialités de la narration et de l’image, telle une Pénélope moderne, elle explore le champ du désir érotique où tout devient « image d’image », tissage sans limites, où chacun se projette dans l’autre, où l’art déjoue les mécanismes de la perversion en ouvrant sur un dialogue infini. Entremêlant avec subtilité « art et vie », « pudeur et impudeur », l’œuvre nous fait accéder à un espace à la fois grand ouvert et enclos dans un temps protégé, sanctuaire de l’émotion, où tout repose silencieusement et vole en éclats.
Mélanie Fontaine / Sans Titre 2008
« L'idée de la boîte m'intéresse énormément, la boîte à secret, la boîte à trésors, tout ce que l'on veut y cacher comme un jardin intime que l'on ne dévoilerait à personne et que l'on peut ré-ouvrir avec nostalgie, mélancolie, joie ou tristesse. Et c'est là qu'intervient la notion de temps. J'ai une image qui me fascine encore depuis que j'ai 15 ans, c'était à Gênes. Ils possèdent le plus grand cimetière d'Europe et dans le columbarium se trouvaient toutes ces petites cases accueillant les cendres avec sur chacune une photo, de petites fleurs et une toute petite lumière. C'était à la fois très bizarre, des pans de murs entiers, et à la fois d'une beauté inexplicable. » (M.F)
Descriptif de l’installation de Mélanie Fontaine
19 boîtes en bois noir comprenant des lumières. Les lumières proviennent de petites ampoules qui n'ont pas une autonomie très longue, ce qui fait qu’il est possible de les voir s’éteindre et griller au fur et à mesure du temps qui passe. Les boîtes contiennent chacune des photographies en noir et blanc de petit format, que l'on pourrait considérer comme des photos issues de l'intimité d'un couple, des photographies qui auraient pu être prises par l'un ou l'autre, même si dans la réalité il n’en est rien et que l’on rejoint cette lisière entre public et privé. Certaines photos sont coulées dans de la résine semi-opaque, ce qui demande un effort pour voir, pour comprendre ce qu'il s'y cache, sorte d'ombres chinoises. Des fragments de textes tapés à la machine à écrire : ce sont des extraits de lettres d'amour qu’un certain F.R a envoyées. L’artiste a choisi de présenter des morceaux de ces lettres (début, milieu, fin) afin que les phrases partiellement livrées laissent vagabonder l'esprit, la curiosité, voire même le voyeurisme de chacun. Ces lettres représentent le moment clé d’une rupture, et parlent de manque, d’attente. C'est l’infime partie d'une histoire d'amour : l’on ne possède qu’un seul angle de lecture des lettres, du côté du jeune homme, l’amant, F.R. On ne sait pas ce que l'autre a écrit, mais on s'imprègne d’elle, présente-absente, fantasmée, objet de désir virtuel. C'est un travail sur le deuil amoureux : comment tourner la page ou mieux, refermer la boîte. L'idée de la boîte est essentielle : la boîte à secret, la boîte à trésors. Ici la « boite » est donnée à lire aux regardeurs de l’œuvre. C'est là qu'intervient la notion de temps, le potentiel de réappropriation du spectateur, la création d’une zone d’intimité collective.
BIOGRAPHIE
Mélanie Fontaine est née en 1984 à Avignon.
Cursus universitaire d’arts plastiques : Maîtrise (Avignon), Master (Aix en Provence)
Mélanie Fontaine réalise des installations à partir d'éléments photographiques et biographiques. Son travail questionne sans cesse la frontière de l'intime et du don, aborde l'introspection intérieure et sa divulgation, la nécessité du partage.
Dernières expositions : juillet 2008, galerie 91, Avignon ; juillet 2009, galerie 91, Avignon ; juin 2011, prêt d’une photo-installation au collège Marcel Rivière, Hyères.
LUDOVIC ZUILI, THE GOLDEN POOL, vidéo 2’35
© Ludovic Zuili
Dans The Golden pool, Ludovic Zuili montre le lien étroit, ténu, entre beauté et mélancolie, entre insouciance, ravissement et mort. Filmés de manière ludique et contemplative à la façon d’un simple clip de mode, accumulant les clichés contemporains d’une jeunesse dorée façon « dolce vita », les protagonistes de la vidéo nous entrainent petit à petit dans une transe lascive, envoutante, qui mêle l’ivresse des corps à la plongée opaque dans les ténèbres. Le ralentissement de l’image, la captation par la musique électronique renforcent le climat dérisoire et troublant des images, créant un état de flottement, puis un basculement erratique dans l’atmosphère. Une magie qui sourd de la beauté des corps, de la vacuité du temps. Une circularité obsessionnelle menant au court-circuit, au disjonctement.
© Ludovic Zuili
BIOGRAPHIE
Réalisateur et photographe : après des études de cinéma, il assure la direction de photographie
de divers courts métrage et travaille actuellement à la réalisation de son premier film publicitaire
ainsi que de sa première fiction (A mort, à mort).
Il réalise avec Olivier Zahm, célèbre photographe, des vidéos pour les marques « Louis Vuitton »
ou « le Printemps ». Il travaille régulièrement pour Purple magazine, une référence mode et art en
France. Depuis 2011, il co-réalise l’émission « Canal Street Fighter » qui met en scène les
cultures urbaines sur une chaîne du groupe Canal +. Depuis janvier 2012, il publie un journal
photographique réalisé en argentique sur le site ARAW. Son style, élégant et incisif, est
marqué par la contemporanéité, une sensibilité réelle des atmosphères, un érotisme
suggéré et retenu.
Dernières expositions : galerie Naço, Shanghai ; Waldraud, Zurich ; Grafik 12, Zurich, Hunting
and Collecting, Bruxelles ; Le Bon Marché, Paris ; KUBE hôtel, Paris.
GUILLAUME FLAGEUL, LA CHASSE, PEINTURE
Dans La Chasse, enfin, Guillaume Flageul peint un rêve éveillé, qui serait trempé de douceur et de son contraire, la cruauté. Une fenêtre détermine un paysage serein et tout en équilibre, baigné d’une belle lumière d’automne, une nature-morte au premier plan nous rappelle que nous sommes dans une représentation empreinte de théâtralité, une scène de violence à l’autre extrémité nous confirme ce point de vue.
Tirant le rêve vers l’inconscient et sa suspension ambivalente, la Chasse est un tableau à double sens sur la réversibilité des apparences et l’énigme du désir. La nature comme champ d’attraction et de répulsion : lieu du désir et « scène du crime », temps de l’émotion morte et ressuscitée.
BIOGRAPHIE
Né en 1971 à Paris.
Après des études d’arts plastiques à l’université Paris VIII, il se consacre à la peinture. Tourné vers la passion de la nature, son univers figuratif entremêle classicisme et modernité, corps et paysage, imaginaire sensitif et observation scientifique du réel.
Dernières expositions : France (Galerie Joseph Antonin-Arles)
Vignette de Mélanie Fontaine et photos extraites de la vidéo de Ludivic Zuili