© Matthias Olmeta
Marseille - Provence 2013 10-12 rue François Simon 13331 Marseille France
Galerie Hélène Detaille Galerie He?le?ne Detaille. 5-7, rue Marius Jauffret 13008 Marseille France
Au printemps 2011, la galerie Hélène Detaille présentait une exposition intitulée Empreintes singulières, réunissant les œuvres de trois artistes ayant en commun l’expérimentation de techniques anciennes pour définir un univers contemporain. Une série de portraits de Matthias Olmeta avait été exposée à cette occasion ainsi que trois mandalas, révélant son univers mystérieux chargé d’une forte intensité spirituelle.
Pour inaugurer la programmation 2013, Hélène Detaille a souhaité donner carte blanche à Matthias Olmeta qui poursuit son exploration de l’ambrotype.
L’exposition se compose de pièces assemblées sous forme de polyptiques (les Yantras et les Roots), qui constituent sa production la plus récente ; de portraits principalement d’enfants et d’adolescents réalisés en 2010-2012 ; de Mandalas (2010-2011) et de photographies de la série des arcs électriques (2011-2012).
© Matthias Olmeta
L’ambrotype
Le procédé a été inventé par l’Anglais Frederick Scott Archer qui a présenté un premier ambrotype à l’Exposition universelle de Londres en mai 1851. Une plaque de verre enduite de collodion humide puis immergée dans un bain de nitrate d’argent est exposée à la lumière lors de la prise de vue réalisée à la chambre. Un négatif est ainsi obtenu. La solution argentique plus ou moins saturée imprègne la plaque de traces minérales aux reflets changeants. En plaçant la plaque sur un fond noir, on révèle une image positive non reproductible.
L’exposition
Les premières œuvres de Matthias Olmeta réalisées selon ce procédé sont des vanités rassemblées dans un même tableau, comme Quest for humility : l’artiste s’y met en scène entouré d’éléments clés de sa vie. Avec Les mystiques de l’immanence, portraits d’adolescents photographiés de manière frontale, il nous montre « ce qui est et ne sera plus ». L’ambrotype ne fixe pas l’image ; les vibrations d’argent, propres à cette technique, lui donnent sa liberté.
Dans ses œuvres récentes, les Yantras ou les Roots, Matthias Olmeta assemble des pièces pour forger des portraits de famille ou des évocations du monde végétal et animal. Il commence par photographier des éléments simples : une fleur, un caillou, un poisson rare, une personne chère, et les traite comme des matériaux élémentaires. C’est par leur rapprochement dans un diptyque ou autre polyptique qu’il reconstitue une famille avec sa complexité, la richesse des formes de la nature, l’énigmatique présence animale.
Les vibrations des noirs et des bains d’argent lui permettent de combiner les énergies légères et les énergies denses.
Pacha Mamita (petite Terre) se compose de neuf photographies d’un crâne de tortue, alignées par trois. Photographié de face sous des angles qui diffèrent légèrement, la boîte crânienne offre une illustration dominée par l’apparent sourire du reptile, neuf fois répété. L’ensemble est accueillant : on entre dans le tableau, au plus près de l’objet zoomorphe et de sa matière organique imprégnée du caractère sacré du monde et de ses mythes.
L’ossuaire de la tortue se retrouve dans d’autres Roots, comme ce triptyque composé de deux crânes qui se font face, séparés par l’image d’un petit hippocampe environné d’eau, nous renvoyant aux origines de la Terre.
Autant de pièces nourries des énergies de la Terre qui appellent à la méditation, établissent un rapport avec le monde et avec le divin.
« A l’origine de mon travail, il y a toujours une intention fondée sur une connexion ou expérience énergétique dévoilée par le chamanisme. J’explore des sujets – portraits, photos de fleurs, vanités, objets ramenés de mes voyages au Pérou ou en Amazonie. Une intention se révèle alors, dans le respect du vivant et des énergies de la nature, celles des quatre éléments : l’air, la terre, l’eau et le feu. J’utilise un fonds collectif lié à l’organique et au minéral, traversé par le souffle, par des arcs électriques. Ces symboliques se retrouvent partout dans le monde chez les animistes. Les chamans créent l’espace cérémoniel en fonction de 7 directions : les 4 points cardinaux, le ciel et la terre (le « haut » et le « bas »), et la direction intérieure qui produit son énergie propre. » (Matthias Olmeta)
© Matthias Olmeta
Repères biographiques
Matthias Olmeta est né à Marseille où il vit et travaille.
Il quitte la France à l’âge de 18 ans pour la Californie où il va étudier la photographie et les arts visuels. Diplômé de l’université de Santa Monica, Los Angeles, en 1991, il effectue de nombreux voyages (Londres, Paris, New York, Berlin, Anvers, Bangkok, l’Amérique du Sud) qui marquent son travail de photographe. Il participe à des ateliers photographiques au sein de groupes en souffrance ou en marge (prostituées grecques, internés psychiatriques de la Havane…). Il a publié plusieurs livres d’artistes et exposé à Paris, Galerie du Jour agnès b., Galerie Serge Plantureux, à la Royal Academy of Art, Londres, à Cuba et Los Angeles, à Marseille à la galerie Hélène Detaille.
Ses œuvres figurent dans des collections privées et publiques (en France, notamment celles de la Bibliothèque nationale, du Musée Nicéphore Niépce, des D.R.A.C. PACA et Alsace, et du Wilson Center for Photography, en Angleterre).
© Matthias Olmeta
Extraits de deux textes de François Cheval, conservateur du musée Niépce à Chalons-sur Saône, sur le travail de Matthias Olmeta :
« La photographie est là. Chimique, artisanale, elle s’impose comme un démenti de l’acte industriel et de la nouveauté technique. On entrevoit, - ce qui auparavant nous paraissait détestable -, l’amour de la matière, la fusion et la confusion entre sensations et affects. Ces images font ainsi le procès du vocabulaire critique contemporain. Car les nuances du monochrome de la substance, chose essentielle à la perception, n’ont rien à voir avec un néopictorialisme passé d’âge. Lorsque les personnages et les objets s’imprègnent de cette matière toujours aléatoire, venue directement du XIXe siècle, on ne peut se défendre d’une impression quasi mystique, et de les contempler, hiératiques, conséquences d’un mystérieux recouvrement. Les photographies ne doivent rien à la catégorie du beau et sont peu sensibles au réel. Remaniées constamment, elles n’existent que d’avoir été dégradées, souillées et alors seulement magnifiées. (…)
Ne restent alors que la puissance et l’orgueil du faire, la fabrication bricolée de la photographie qui, pour ne pas se limiter, rejette la modernité et ses commodités comme si l’on pouvait encore emprunter des chemins qui depuis longtemps ont été reconnus, défrichés. »
(…) « Ainsi se constitue une sorte d’histoire qui dépasse son auteur, où l’important n’est que l’immersion des objets et des figures dans un réceptacle aux vertus démesurées.
La photographie comme expérience chamanique procure, d’évidence, au photographe un sentiment de bonheur qui justifie, lui semble-t-il, sa conduite. La matière a l’odeur tenace et emporte avec elle objets, souvenirs et visages. Ce bain enlève tout contact avec l’habitude, avec le connu. (…)
Tous ces yeux qui le regardent, ces objets qui le contemplent, c’est beaucoup et amplement suffisant pour lui, orgueilleux sans arrogance. Mais l’idée qu’à la fin ses proches soient recouverts d’une attitude qu’ils n’ont jamais eue, de lucidité, de générosité pure, lui procure un bonheur, - quelle naïveté ! -, sans bornes. Il y a dans l’œuvre de ce photographe une profonde croyance en la divination. La photographie nous autoriserait à pénétrer dans l’avenir. Regardez ces images, plongez sans indifférence dans ce bain, buvez-en même, voilà un gouffre qui se découvre, plongée béante dans le vif !
Le monochrome de la minéralité a tari les effets faciles du noir et blanc ou de la couleur industrielle. Ici la rouille est pavée de toutes les qualités. Toute cette enveloppe forme une autre carapace, une peau distincte du commun. (…)
Tout ici procure une impression de vigueur, de jeunesse et d’assurance. L’immobilité des visages, la plénitude des choses, leur place définitive créent un lieu, supposent une conscience entre eux qui exclut le doute. (…) L’entrevue à laquelle nous sommes conviés doit s’imaginer comme un échange mystique, une déclaration de silence. Nous devons les accepter sans nom, sans biographies, sans initiales. (…) Tout ce en quoi ils ont cru se retire au profit de nouvelles combinaisons, d’une alchimie photographique proche d’états où ne se pose plus la question de l’utilité des choses, ni celle de sa réalisation. »
Photos et vignette © Matthias Olmeta