© Dialogue de l'Image
Dans le cadre de ses activités en faveur de l’éducation des personnes en situation de handicap, le Secteur de l’éducation de l’UNESCO propose l’exposition de photographies « Montre-moi qui tu es » présentée par l’association Dialogue de l’Image. Cette exposition célébrera également la Journée internationale des personnes handicapées (3 décembre).
L’association Dialogue de l’Image effectue depuis plus de vingt ans des ateliers photographiques sténopés avec des jeunes à travers le monde. L’UNESCO a déjà collaboré avec cette association dans le cadre de projets en faveur des jeunes en situation difficile.
Ce projet a reçu le Label Paris Europe 2011 de la Mairie de Paris. Son objectif ? La réalisation d’ateliers photographiques sténopé avec des personnes aveugles et malvoyantes en collaboration avec la FAF – Fédération des aveugles de France – à Paris, et l’Istituto dei Ciechi « Florio e Salamone », à Palerme.
Cette exposition vise à donner la parole aux aveugles et aux malvoyants et à faire reculer les préjugés vis-à-vis du handicap.
L’exposition « Montre-moi qui tu es » accueille des photographies réalisées lors d’ateliers photographiques sténopé* à Paris et Palerme par des personnes malvoyantes et aveugles, avec le soutien des intervenants de l’association Dialogue de l’Image. Un travail autour de la mémoire et de la ville qui nous emmène sur des chemins encore peu fréquentés dont nous sommes loin d’avoir découvert tous les arcanes.
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« Histoire de fous ! » diront certains.
Peut-être pas tant que cela... Cette expo- sition est là pour nous aider à répondre, à lever des tabous solidement ancrés dans une société soumise au visuel, à éclairer un monde qui nous reste injustement étranger.
Les ateliers photographiques se sont déroulés à Palerme avec des membres de l’Istituto dei Ciechi, et à Paris, dans le cadre de la Fédération des Aveugles et Handicapés visuels de France (FAF).
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Ce que j’ai aimé dans l sténopé, c’est le temp de préparation, se préparer mentalement à l’image réfléchir, faire corps ave l’environnement, se fondre dans ce qui nous entoure...
Il n’y avait pas le paysage et moi, j’étais dedans, je visualisais l’image. Les longs temps de pose, ça a été une découverte. Au début, lorsque quelqu’un passait devant la boîte pendant que la photographie se faisait, je me disais : “Il va tout gâcher !” J’ai compris plus tard.
Thérèse, malvoyante
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Faire une photographie et ne pas pouvoir la voir après, ça peut faire très mal.
Mais avec vous et la boîte, c’était complètement différent, il s’agit d’une chose que nous avons créée, pas après pas, ensemble.
Debora, aveugle
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Je n’ai rien « vu », mais j’ai imaginé pleins de choses. Je suis repartie avec, je les ai reçues d’une manière sensible.
Il y a des endroits qui m’ont parlé d’un point de vue vibratoire, l’ambiance, l’odeur, j’en ai gardé quelque chose. Les lieux se reçoivent, chacun dégage une énergie différente. Il faut montrer la façon dont tu perçois les choses intérieurement.
On peut choisir n’importe quel endroit, n’importe quel objet, l’important c’est : qu’est-ce que tu veux montrer dans ta photographie ?
Mariam, aveugle de naissance
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Jamais je ne me suis dit :« Je ne vois pas bien, comment faire des photos ? »
Nous aussi on a un regard sur le monde, des choses à dire, à livrer de l’intérieur. On n’a pas besoin de voir pour faire une photo, c’est le cœur qui parle, l’émotion. Comme dit le Renard au Petit Prince : « On ne voit bien qu’avec le cœur et l’essentiel est invisible pour les yeux. » J’y ai mis tout ce que je ressentais, toute ma sensibilité, j’ai été traversée par les émotions. Il y a la perception des éléments visuels, mais aussi tout ce qui est autour de nous, l’ambiance, ce qu’on sent. L’image qu’un non-voyant de ce moment présent, c’est l’image du ressenti.
Danielle, malvoyante
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Au début, je ne pensais pas qu’il s’agissait d’une chose positive pour nous, les nonvoyants. Maintenant, j’ai compris que cela pouvait avoir un sens dans la mesure où photographier, c’est aussi rappeler des images qui sont restées à l’intérieur de nous et que, maintenant, nous ne pouvons plus voir avec les yeux. En les reconstruisant grâce à votre aide, nous recomposons ces images qui se perdent petit à petit, s’il n’y a personne pour les raviver.
Le thème de la mémoire a été très important, il m’a fait revenir sur ce que je pensais. Beaucoup de très beaux souvenirs me sont revenus à l’esprit.
Carmen, aveugle
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Nous, au quotidien, on voit plein de choses : on entend les bruits, l’ambiance, on se repère comme ça. Je fais des photographies pour figer les choses dans le temps, pour les amis, pour moi aussi personnellement, car j’ai tendance à oublier. Avec un appareil normal, on prend tout ce qu’il y a devant nous pour essayer d’avoir le maximum. Avec la boîte, il faut creuser la personne valide pour qu’elle nous dise ce qu’il y a devant nous.
D’un valide à un autre, ce n’est jamais la même chose, il faut vraiment creuser, pour ne pas se louper. Mais on doit composer tout le temps avec ce qui nous entoure, on a l’habitude de jongler. Finalement, entre la photographie et notre vie au quotidien, c’est la même chose : qu’est-ce qui ressort de tout ce que tu écoutes, de ce que tu interprètes ? Et bien, je mêle le tout, et j’en sors une image.
Teresa, aveugle
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Le fait de revivre cet endroit après tant et tant d’années... Je me sentais celui que j’étais alors, je me suis revu en train de faire le pain, c’est une sensation indescriptible et très émouvante. Avec ça, tu touches les profondeurs de l’intime.
Vincenzo, aveugle
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D’une certaine façon, je vois avec l’âme et à travers vos yeux, avec l’ouïe, les odeurs et le toucher : cela fait déjà beaucoup.
Elena, aveugle