Cecil Beaton (1904-1980) était un homme aux multiples facettes : il fut scénographe, écrivain, jardinier … Mais c'est dans la photographie de mode et le portrait de personnalités très hétéroclites que sa renommée a pris une nouvelle ampleur. Sa première autobiographie, publiée en 1951, s'intitule Photobiographie, prouvant l'importance de cet art dans sa vie.
Britannique de naissance, il conquit peu à peu l'Europe, puis les Etats-Unis, passant en toute aisance de la mondanité de la cour anglaise aux frivolités du Hollywood en plein âge d'or, ainsi qu'au milieu underground new-yorkais où il inspira Andy Warhol.
Véritable mémoire de l'histoire de la photographie et de la société du XXe, il a inspiré Philippe Garner et David Alan Mellor. Ces deux passionnés de la photographie, récompensés pour leur action en faveur de la photographie, ont regroupé les clichés de Cecil Beaton dans une monographie sortie en 1994, intitulée sobrement : Cecil Beaton – Photographies 1920 – 1970. Cette dernière est réimprimée en octobre 2012, avec pour nouveauté l'apparition du duotone et de la couleur.
La couverture n'attire pas l'oeil du spectateur. Multipliant les vignettes, aucune photographie ne se détache réellement. De plus, le nom du photographe est imprimé en argenté sur les clichés, il faut donc avoir de très bons yeux pour parvenir à le déchiffrer !
Après une étude plus approfondie, le spectateur découvre pourtant qu'il s'agit de Cecil Beaton, l'un des plus emblématiques portraitistes et photographe de mode du XXe siècle. Nombre de ses photographies sont connues et reconnues, à l'image des portraits pleins de grâce et de sensualité de l'actrice Marilyn Monroe. L'ouvrage est intéressant car, à côté de ces « classiques », le spectateur découvre d'autres clichés beaucoup moins diffusés, mais tout aussi splendides.
Mêler les genres est un amusement pour Cecil Beaton. Les décors des portraits sont somptueux, à l’instar des vedettes qui posent pour lui ; mais, en même temps, il y a toujours une sorte de bric-à-brac en arrière-plan, qui attire l'oeil du spectateur. Une façon pour ce dernier de pénétrer dans l'intimité des stars. C'est encore plus impressionnant pour le public actuel de rencontrer ces légendes passées, d'approcher ainsi le mythe de l'âge d'or d'Hollywood ou des grandes figures de la royauté du siècle dernier.
Le photographe ne préparait d'ailleurs jamais à l'avance les entrevues afin de créer une proximité de l'instant : « La photographie de mode est une activité insidieuse. Elle est à l'art ce que le sex-appeal est à l'amour. L'artifice peut s'y révéler redoutable dans la mesure où, utilisé à tort, il produira un effet clinquant, tape-à-l'oeil. Un emploi judicieux relève du pur instinct » (The Magic Image).
Cecil Beaton photographié par Paul Tanqueray, 1937.
Au début de cette monographie, des textes cherchent à re-situer le contexte dans lequel Cecil Beaton a pris ses clichés. S'ils peuvent être éclairants, il est parfois gênant d'y additionner sur la même page quelques images du photographe : le format de celles-ci est réduit, ce qui est dommage tant les images grandioses de Cecil Beaton appellent un format tout aussi imposant.
Les citations qui sillonnent le livre sont, elles, les bienvenues. Le photographe aimait à surprendre le public : ses petites phrases percutantes font sourire le public. Il arrive à étonner également par ses images toujours innovantes, pleines d'idées presque surréalistes, surtout pour l'univers mondain de la royauté ou de la mode : « Il est intéressant de voir un artiste, doué d'une personnalité suffisamment forte pour être outrancier, se faire néanmoins accepter par les membres les plus conservateurs de la société » (The Wandering Years, Diaries 1922-1939).
Si l'organisation des photographies dans l'ouvrage reste obscure (ce n'est pas chronologique, ni même thématique, des photos en couleur apparaissent parfois au milieu des autres en noir et blanc sans que le public ne sache pourquoi), clore la monographie par un cliché de Cecil Beaton déguisé en Nadar est percutant : ces deux photographes, même s'ils ne s'intéressent pas au même type de modèles, sont parvenus à moderniser l'art photographique.
Même si le choix des deux auteurs du livre ne met pas toujours en avant les photographies de Cecil Beaton, il n'en demeure pas moins que découvrir ou re-découvrir ces clichés est toujours un plaisir. Son surnom de « prince de la photographie » se justifie pleinement au vue de cette monographie.
Cecil Beaton – Photographies 1920-1970, par Philippe Garner et David Alan Mellor
320 pages, 265 illustrations – Format : 24 x 31 cm
Editions Hazan
69 euros
Claire Barbuti