Chine, 1965 © Marc Riboud
Galerie Hélène Detaille Galerie He?le?ne Detaille. 5-7, rue Marius Jauffret 13008 Marseille France
Cette exposition présente les photographies de Marc Riboud, réalisées en Chine, en Inde, au Népal, en Iran, Afghanistan et Turquie à la fin des années 1950. Il voyage seul, pendant trois ans et photographie au rythme de sa marche et de ses rencontres. Une part prépondérante de la sélection est donnée à la Chine des années Mao et à l’Inde, dans les premiers temps de son indépendance.
Hélène Detaille a choisi d’exposer à ses côtés les travaux de Xiao Yu Liu. Cette jeune photographe chinoise s’intéresse aux signes qui montrent l’attachement aux traditions ancestrales au Tibet et en Mongolie. Elle nous montre aussi d’autres marques d’une histoire plus récente, celles du communisme dans la Chine contemporaine et la Corée du Nord.
Marc Riboud
Il découvre la photographie dans les musées de New York en 1951, rencontre en 1952 les fondateurs de l’agence Magnum – Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour – et publie son premier reportage sur les peintres de la Tour Eiffel dans Life en 1953. L’année suivante il intègre Magnum.
Depuis ces années-là, Marc Riboud a parcouru le monde avec son Leica, fixant des milliers d’images qui révèlent sa rigueur, sa sensibilité et sa veine humaniste.
L’exposition présente 35 photographies noir/blanc
Un coffret de 5 ouvrages « Vers l’Orient », réunit les photographies du premier voyage de Marc Riboud de 1955 à 1958. Il paraîtra à l’automne 2012 aux éditions Xavier Barral.
Turquie 1955 © Marc Riboud
Voyage d’initiation
« Quand je suis parti pour l’Orient à l’automne 1955 avec la vieille Land Rover de George Rodger, j’étais déjà photographe depuis près de deux ans, et d’une certaine manière, le pas était franchi, les dés jetés : j’étais délivré de ces années d’errance où, jeune ingénieur, j’allais de stage en stage, d’entreprise en entreprise sans trouver ma place nulle part malgré les efforts de ma famille qui ne savait plus quoi faire de moi… Sur les conseils pleins d’affection de Capa j’avais passé un an en Angleterre, j’étais entré à Magnum et pourtant j’avais l’intuition qu’il fallait absolument partir plus loin, quitter ma famille mais aussi l’Europe, ses habitudes de pensée, sa culture et découvrir cet Orient immense où le monde change d’échelle et où je pourrais rouler d’Istanbul à Shanghaï, libre de m’arrêter partout où je voudrais, maître de mon rythme, de mes haltes, de mon itinéraire. Libre, vraiment libre. »
« J’avais longuement regardé les photographies de Chine et d’Inde de Cartier-Bresson. La beauté étrange de ces régions m’attirait. »
Ce premier voyage fut une découverte constante.
Inde 1956 © Marc Riboud
Marc Riboud, promeneur photographe
Lors de ce premier voyage, Marc Riboud explore pendant trois ans les pays d’Orient et d’Extrême- Orient. Il séjourne en Chine, traverse les zones tribales entre l’Afghanistan et le Pakistan ; s’installe quelques mois au Népal avant de passer un an à Calcutta, fréquentant les artistes bengalis, chaleureux, accueillants, comme le peintre Paritosh Sen, le cinéaste Satyajit Ray ou le musicien Ravi Shankar.
En dehors des villes – Pékin, Kaboul, Calcutta, Jaipur, Madras, Ahmenabad… –, il est seul sur les routes. « Plus j’avançais, mieux je voyais l’harmonie de ces courbes, de ces formes pleines et rondes, sensuelles et épanouies qui éclatent partout en Orient. Là où le temps n’était pas compté.».
Au Népal, la cadence est donnée par la marche des mulets ou des hommes et des femmes portant leurs charges sur les épaules. En Inde, il assiste au bain des éléphants dans le Gange quand la nuit tombe ; laisse son regard se perdre dans les petites collines qui se détachent dans la brume ; croise des camions peints comme des jouets, des caravanes de chameaux, un vieillard enturbanné sur son âne… Il se coule dans la lenteur des jours d’Orient.
En sillonnant les routes afghanes, indiennes, chinoises, Marc Riboud a retenu, dit-il, les leçons de l’Orient, « les règles qui demeurent et celles qui s’effacent, le fil des jours et l’épaisseur du temps. »
« Pendant ces trois années, marchant, regardant, seul du matin au soir, concentré sur ce que je voyais, l’œil ouvert à toutes les surprises, je comprenais jour après jour comment je pourrais devenir photographe. Marcher pour regarder, reculer, monter sur un banc, sur un camion, faire deux pas de côté, bouger jusqu’à ce que l’image se dessine, attendre qu’une femme, un enfant, un chien, une charrette, que sais- je, vienne s’inscrire dans le cadre, trouver un ordre dans le désordre, avoir le loisir de voir une scène se développer du début à la fin, guetter la grâce d’un geste, je découvrais le plaisir physique que donnent le mouvement et la marche, j’aimais le silence... »
La Chine
Quand il évoque ses photographies de Chine où il s’est rendu souvent par la suite, le photographe parle de notes de voyage, de simples constats. Il assiste aux bouleversements d’un monde.
« Il est difficile de faire le portrait d’une Chine qui bouge si vite (…). Un coup d’œil est souvent démenti par le suivant, celui d’hier par celui d’aujourd’hui. (…) Les Chinois aiment se comparer au bambou qui plie sans se rompre. Je les ai vus se plier sous la férule de Mao qui voulait les libérer à jamais du profit et des inégalités. Aujourd’hui, nous les voyons portés par une vague nouvelle, celle de l’argent roi, du commerce et du jeu où ils ont toujours excellé.(…) Simultanément, les beautés d’une culture millénaire semblent s’effacer sous nos yeux. »
(Les propos de Marc Riboud sont extraits de l’ouvrage à paraître en octobre 2012 aux éditions Xavier Barral, du Photo Poche publié par le Centre national de la photographie en 1989 et de Quarante années de photographie en Chine, Editions Nathan, 1996.)
Xiao Yu Liu
Cette jeune Chinoise a d’abord entrepris des études d’Economie et de Management à l’Université de Pékin. Puis elle a obtenu un master de Communication à l’Université Sun Yet-Sen de Guangzhou. Elle s’est formée à la photographie à l’ENSP d’Arles.
Xiao Yu Liu présente ici une partie de la série Les Tibétains (N/B) et deux portraits couleur de la série Les minorités mongoles.
« (elle rassemble) dans un format panoramique un nombre incalculable de signes et d’index, organisés çà et là dans les regards ou dans les lieux, dans les corps ou dans les paysages, dans les pratiques rituelles et dans les postures ancestrales, dans les sourires, très loin d’une modernité que tente d’imposer une architecture assez sinistre et déshumanisée, symbole d’une Chine qui se détourne de son passé. (…) Ce que nous disent les photographies de Xiao Yu sur les minorités qu’elle se charge de documenter depuis 2003, c’est cette résistance qu’ont certains peuples à rester dissemblants, défiant l’autorité de la ressemblance. »
(Extrait d’un texte de Patrick Ruet, pour l’Atelier du Midi, avril 2010)
L’exposition montre également quelques images de son nouveau travail. Cette fois, elle traque les signes laissés par les régimes communistes en Chine et en Corée du Nord. L’évolution de l’urbanisme, entre friches et grands espaces urbains, est magnifiée par le jeu entre lumières métallisées et, toujours, le format panoramique.
10 photographies panoramiques, noir/blanc et couleur sont réunies dans cette exposition.