© France Nord, Jean-Christophe Bechet.
Jean-Christophe Bechet, "Le Nord"
" Il y a quelques années, une radio avait réalisé des interviews de Marseille à Lille en demandant chaque fois aux Français rencontrés : "en France, où commence selon vous le Nord ?" Les Marseillais rejoignaient les Avignonnais en situant le Nord au delà d'une ligne qui commencerait vers Montélimar ou Lyon. Bien évidemment à Montélimar, Lyon ou Dijon, personne ne pensait vivre au Nord. Non, le Nord, c'est plus haut, vers Paris !
Quand je suis venu vivre à Paris, pour moi originaire de Marseille, je pensais m'installer dans le Nord. Grave erreur ! Pour les Parisiens, Paris n'est pas au Nord. Là encore, le Nord c'est plus loin, plus haut. Pourtant sur la carte Michelin 918, Paris mais aussi Bourges, Nantes, Brest, Caen, Dijon, Strasbourg ou Metz sont bien dans le Nord de la France. Alors, qui croire ?
En 2007, j'ai loué une voiture et je suis parti à la recherche du Nord. En Alsace et Lorraine, on m'a dit être à l'Est. A Brest ou Rennes, on habite à l'Ouest, pas au Nord, même pas au Nord-Ouest. Même réaction à Cherbourg ou Dieppe : nous sommes en Normandie, pas dans le Nord. Pourtant, cette fois, plus haut, plus loin c'est ... l'Angleterre !
Alors, j'ai donc voulu affronter photographiquement cette réalité française : le déni du Nord ! Moi qui suis un sudiste, je me suis mis à aimer les lumières grises du Nord, ses plaines, ses rivages tristes et ses marées, sa brique rouge, ses carnavals, ses châteaux d'eau, ses baraques à frites ...
Ainsi s'est construit un territoire personnel et intime. Telle une géographie subjective ... "
Pierre Gonnord, "Portraits"
" La photographie est pour moi un acte vital, le portrait un thème chaud, subjectif, sentimental et partisan. C'est un peu une histoire d'amour. Je ne crois pas à l'objectivité dans la photographie, ni dans l'art.
Je ne sais pourquoi je fais des portraits. Pour ces opportunités de rencontres. Ces expériences de vie. Apprendre des autres, écouter, regarder, voir, sentir et exprimer. C'est ouvrir les yeux sur le Monde, connaître d'autres univers, d'autres réalités pour dépasser ses propres petites limites et entrer peu à peu dans le partage et la connaissance de l'humanité. Le portrait, c'est l'histoire d'une rencontre avant d'être exercice de création et cette pratique ne pourra être réussie, ne pourra être intime que dans la mesure où vous aurez vraiment un face à face avec cet autrui. On donne aujourd'hui beaucoup d'importance à l'aspect documentaire et pas assez à l'intimité qui permet l'approche humaine et psychologique. J'ai un rituel, toujours le même : la rencontre puis le studio, le silence, l'intimité, la pénombre. Le studio est improvisé chez quelq'un, dans un intérieur qui me reçoit et me livre ses confidences, des histoires anciennes et des traditions. Faire un portrait, c'est aussi lutter contre l'oubli. C'est la cannibalisation de l'autre, de sa différence et de notre part commune d'humanité. La communion, l'appropriation de la beauté, de grâce, de dignité, qui nous rend un peu plus égaux. Un peu plus éternels aussi. Prête-moi ton visage, laisse-moi te contempler, t'admirer, te posséder, prendre ton âme, comme les indiens d'Amérique croyaient livrer le fond de leur être a jamais volé par l'optique du photographe Edward Curtis et emprisonné pour toujours dans un sel d'argent.
Ce qui m'a introduit il y a un peu plus de 10 ans par accident, timidement, pour mieux respirer pour mieux survivre, est aujourd'hui un style de vie à part entière. Depuis mon studio de Madrid, puis vers les intérieurs de la périphérie urbaine et désormais un studio ambulant et nomade au bord des routes.
J'ai choisi l'être, l'individu, seul en marge de son groupe social. Les personnes dont je parle, ce sont des gens qui brillent d'une lumière intérieure plus intense, plus sensible et c'est pour cela que j'ai décidé de parler d'eux, de montrer cette lumière qui me réchauffe et me prouve que la condition humaine est immense. Parler du silence qui est fait autour de ces personnes. J'ai décidé d'aller à la rencontre d'individus plus éloignés de l'épicentre et du bien-être de notre société urbaine. Des personnes qui existent et qui sont menacées quelque fois par des cataclysmes sociaux, politiques, économiques ou historiques. Des individus, issus de groupes qui sont sur le point de disparaître ou qui apparaissent dans notre cadre de vie quotidien mais que nous ne regardons pas, même si nous les voyons. Aurions-nous la mémoire aussi courte et le champ de vision aussi restreint pour oublier que nous avons été et nous serons de nouveau des immigrants, que nous avons été et nous serons probablement menacés, poursuivis ou marginalisés pour nos idées, notre race, notre genre ... ?
Explorer ces marges, c'est ma façon de reconnaître l'importance du silence construit socialement, et de rendre à ces personnages leur condition de témoins d'une existence qui leur est aussi propre qu'unique."
© Charlotte, 2010, Pierre Gonnord.
Emile Savitry, "Un photographe de Montparnasse"
Sophie Malexis : "Emile Savitry, né en 1903, peintre surréaliste devenu photographe vers 1930, ravive avec ses images réalisées jusqu'à la fin des années 1950 le souvenir des "heures chaudes" de Montparnasse.
Les boîtes de jazz, les ateliers d'artistes, lui réservent ses plus belles rencontres, Django Reinhardt qu'il a découvert à Toulon et qu'il logera chez lui à Paris, les frères Prévert et le groupe Octobre dont il photographie la répétition d'une pièce de théâtre mise en scène par le tout jeune Jean-Louis Barrault avec Mouloudji encore enfant, les sculpteurs et peintres Alberto Giacometti, Anton Prinner, Victor Brauner.
Avec Brassaï, puis Robert Doisneau il développe sa carrière de photographe à l'agence Rapho. Il sera reporter, immortalisant le petit peuple du quartier de Pigalle, les rues d'un Paris parfois mélancolique où les bougnats poussent encore leurs charrettes et les clochards s'assoupissent sous les arches de ponts, mais aussi les clowns et autres prestidigitateurs aux regards étranges.
Photographe de plateau de Marcel Carmé et Jacques Prévert sur le tournage de Les Portes de la Nuit et la Fleur de l'âge, il apporte son témoignage unique de ce film maudit et inachevé dont les bobines ont à jamais disparu. Collaborateur des magazines de mode Vogue et Harper's Bazaar, la photographie de nu constitue un de ses sujets de prédilection qui lui vaut un véritable succès au Japon, avant de retourner à la peinture.
Sur un dernier salut de Chaplin, comme un adieu souriant et mutin, Savitry meurt en 1967. Son oeuvre méconnue et foisonnante mérite aujourd'hui d'être mise en lumière.
Le Festival de Cholet ajoute sa pierre à l'édifice de cette révélation tardive."
© Nu escalier Grande Chaumière 1950-51, Emile Savitry.
Olivier Meriel, "Le pays qui n'a pas de nom"
Olivier Meriel pratique depuis trente-cinq ans la photographie noir et blanc à l'aide de chambre photographique grands formats. Son travail repose depuis toujours sur le dialogue entre l'ombre et la lumière.
La photographie est pour lui un engagement artistique profond : "Il s'agit d'éliminer le psychologique en moi pour faire venir le spirituel, pour être en relation avec le divin, avec l'étrange. Un mystère est là, on ne sait pas si on est dans le réel ou l'irréel, et on peut très bien glisser dans l'un ou l'autre. La force de l'Art est mà - atteindre le sunaturel, c'est là qu'est mon enjeu."
Une fois que la prise de vue est faite, Olivier Meriel regagne sa chambre noire pour retrouver la Lumière.
Pour lui, la recherche en laboratoire est fondamentale, c'est elle qui va parachever sa recherche de la lumière. Il voit cela d'un point de vue musical, le négatif étant la partition, et le tirage l'interprétation.
Le fait d'utiliser une lumière de contre-jour l'oblige à avoir recours à une chimie photographique complexe.
© Olivier Meriel