© Carolle Benitah, la vague, de la série “L’adolescence”
Galerie Esther Woerdehoff 36 rue Falguière 75015 Paris France
La Galerie Esther Woerdehoff est heureuse de présenter le travail de la photographe plasticienne Carolle Benitah.
Née à Casablanca au Maroc, Carolle Benitah vit et travaille à Marseille. Elle commence à pratiquer la photographie en 2001, après une profonde remise en question. Ancienne styliste, elle associe la photographie aux travaux d'aiguilles dans une oeuvre puissante d'une féminité sans tabous.
Pour la première fois en France, l'artiste expose le deuxième volet de sa série de photographies "Photos Souvenirs : L'adolescence". Après "L'enfance marocaine", l'artiste poursuit l'exploration de ses albums de famille et réinterprète son adolescence par la broderie au fil de soie et perles de verre, transformant des instantanés banals en symboles précieux. Présentées en tirages encadrés, les photographies brodées de "L'enfance marocaine" et de "L'adolescence" sont également reliées dans un portfolio qui revisite le genre de l'album photographique, espace privilégié de l'histoire de la photographie depuis son invention.
L'exposition de Carolle Benitah est une véritable installation. En parralèle des photographies, l'artiste présente des objets brodés de fil de soie rouge. Fil d'Ariane d'une artiste dont chaque création est une introspection, métaporphosée en oeuvre d'art par le geste de la main et de l'aiguille.
Organes crochetés au fil de soie, livres magiques de développement personnel engloutis sous la broderie, mouchoirs brodés d'attentes impossibles, napperons bonimenteurs ou obsédés, maisons états fragiles et vacillantes protégées par une cloche de verre ; Carolle Benitah déroule ses souvenirs et ses émotions, le passé qui construit chaque individu. Méditations sur le temps qui passe, ces oeuvres de l'intimité atteignent une portée universelle.
© Carolle Benitah, La cage dorée, de la série “L’adolescence”, courtesy Galerie Esther Woerdehoff
"J'ai commencé à m'intéresser à mes photographies de famille, lorsqu'en feuilletant l'album de mon enfance, je me suis retrouvée submergée par une émotion dont je n'arrivais pas à déterminer l'origine. Ces photographies prises il y a 40 ans et dont je ne me souvenais ni du moment de la prise de vue, ni de ce qui avait suivi ou précédé cet instant, réveillaient en moi une angoisse de quelque chose de familier et totalement inconnu à la fois, une sorte d'étrangeté inquiétante dont parle Freud. Ces moments fixés sur du papier me représentent, parlent d emoi, de ma famille, et disent des choses sur la question de l'identité, de ma place dans le monde, mon histoire familiale et ses secrets, les peurs qui m'ont construites et tout ce qui me constitue aujourd'hui.
Dans un premier temps, j'exécute un travail de fouilles. Telle une archéologue, j'exhume des albums de famille et des boîtes à chaussures pleines de photographies, les images où je figure. Je choisis des instantanés parce qu'ils sont liés au souvenir et à la perte. Ces photographies sont des fragments de mon passé que j'interprète dans une perspective subjective, comme autant de confessions. Je classe les photos, je les numérise et je les imprime. Je n'interviens pas directement sur la photographie originale. Je vais transposer et je choisis mon format. Le travail d'interprétation commence par ces étapes-là.
Une fois ces choix définis, je commence à raconter ma version des faits. Je me penche sur ma propre histoire avec parfois jusqu'à 40 ans de recul et le vécu qui modifient la perception des évènements. Dans ce dessein, je vais utiliser les travaux d'aiguille : la broderie et le perlage.
La broderie est une activité spécifiquement féminine. Autrefois la brodeuse était un parangon de vertu. L'attente est également liée à cette activité : les femmes brodaient, espérant le retour de l'homme au foyer. La broderie est étroitement liée au milieu où j'ai grandi. On apprenait aux filles de bonnes familles à coudre et à broder. C'est l'activité réservée aux femmes parfaites. Ma mère a brodé son trousseau.
Pour broder ma photographie, je vais percer le papier. A chaque point, je troue le papier avec une aiguille. Chaque trou est une mise à mort de mes démons. C'est comme un exorcisme. Je perce le papier jusqu'à ce que je n'aie plus mal.
J'utilise un fil rouge, qui est mon fil d'Ariane. Il me conduit dans les dédales de mon histoire passée. Le rouge est la couleur des émotions violentes, c'est la couleur du sang, du mauvais sang, c'est une couleur également liée à la sexualité.
Les perles choisies pour leur brillance et leur fragilité accentuent le côté décoratif et créent un décalage. Je réintroduis le geste artisanal dans cette série et renoue avec mon ancien métier de styliste.
L'écriture intervient également. Elle accompagne la photographie. Elle est comme une clef qui permet de déchiffrer le mystère. Ce travail lent et précis est la métaphore d'une fabrique minutieuse de soi et du temps qui passe."
"Je considère la galerie comme une métaphore d'un espace mental, un univers clos dans lequel vont circuler les souvenirs, les émotions et les obsessions. Les souvenirs s'organisent dans les coins et les recoins de ce lieu comme le labyrinthe de la mémoire."
Biographie de Carolle Benitah
Née à Casablanca (Maroc), Carolle Benitah vit et travaille à Marseille (France).
Diplômée de l'Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, Carolle Benitah a exercé pendant dix ans la profession de styliste de mode avant de se tourner vers la photographie en 2001. Cours de photographie à l'Ecole Nationale Supérieure des beaux-arts de Marseille, Ecole Nationale Supérieure de Photographies à Arles, Carolle Benitah a suivi plusieurs stages de photographie en France et à l'étranger. Elle a collaboré avec les photographes Lise Sarfati, Mathieu Pernot, Antoine d'Agata, Klavdji Sluban, Bernard Plossu, Mary Ellen Mark et Allessandra Sanguinetti.
© Carolle Benitah