Claude LE GALL
Museo do pobo Galego San Domingos de Bonaval 15703 Saint Jacques de Compostelle France
De Bretagne en Galice
"Cela fait vingt-six ans que je vais en Galice. Je m'y rendis pour la première fois en juillet 1986 afin de photographier la procession des cercueils lors de la romeria de Santa Marta de Ribarteme. J'avais entendu parler de cette tradition et, pour un breton, né en terre de Léon, où le culte des morts avait toujours une grande importance, ce thème avait quelque chose de familier.
Après une interminable traversée de la Castille - les autoroutes n'existaient pas à l'époque - je m'arrêtai sur la place d'un petit village écrasé près d'Arbo, sur les rives du rio Mino, où je rencontrai Alfonso, le curé du village, passionné de photographie, qui me fournit les indications nécessaires. Nous sommes devenus amis et j'ai eu depuis maintes fois l'occasion de revenir dans cette région photographier les gens et les traditions locales : la fête des morts, la semaine sainte et la romeria de San Fins où sacré et profane se mêlent de manière incroyable. A la fin de la romeria, en descendant du mont, la procession s'arrête parce que le saint "a soif". On sort les bouteilles, on boit un coup à sa santé et l'on repart de plus belle.
Photo © Claude LE GALL
Je suis né breton, au bord de la mer, sur la côte nord du Finistère, mais parfois je pense qu'au lieu de se fixer en Armorique, mes ancêtres, sans doute venus de Galles ou de Cornouailles auraient très bien pu continuer jusqu'en Galice comme le firent un groupe d'émigrants au VIe ou VIIe siècle de notre ère, conduits par leur pasteur, évêque ou abbé, qui se fixèrent dans le région de Mondonedo. Cela me fascine d'imaginer qu'on ait parlé breton durant près d'un siècle dans cette région.
Avant de me rendre en Galice, j'avais photographié durant une quinzaine d'années la vie quotidienne en Irlande avant que l'essor économique des années quatre-vingt dix ne modifie considérablement la physionomie du pays. En Galice, tout comme en Irlande dans les années quatre-vingts, l'atmosphère ambiante me rappelait la Bretagne de mon enfance.
Avec le temps je me rendis compte que tout mon travail photographique avait un dénominateur commun : fixer sur la pellicule des traces d'un mode de vie qui, jour après jour, tendait à disparaître, victime d'une uniformisation toujours plus rapide.
Photo © Claude LA GALL
Quand je commençai à prendre des photos, au début des années soixante-dix, je m'intéressai aux goémoniers de la région où je vivais. Ils utilisaient encore des charrettes tirées par des chevaux pour décharger le goémon des bateaux avant de l'étendre sur les dunes où ils laissaient sécher. Trois ans plus tard tout cela était bien terminé. A l'heure actuelle, cette activité ne se pratique plus là où je l'avais connue : le petit bourg où j'ai grandi est devenu station balnéaire et le ramassage du goémon s'effectue ailleurs de manière semi-industrielle à l'aide de bateaux munis de bras de relevage.
Depuis 1986, j'ai pu constater plusieurs changements en Galice : l'ouverture au tourisme de masse, par exemple. Là aussi, le ramassage des algues qui s'effectuait à l'aide de charrettes tirées par des vaches n'exsite plus. Le réseau routier s'est considérablement amélioré.
Malgré tout, les galiciens ont su maintenir vivantes bon nombre de leurs traditions. Les grandes romerias attirent toujours des foules considérables et l'hospitalité n'a guère changé, ce qui me ramène en Galice presque tous les ans" Claude LE GALL
Photos et vignette © Claude LE GALL