© Jürgen Nefzger
Carré Amelot 10 bis rue Amelot BP 309 17013 La Rochelle France
" En Grèce les plans d'austérité se poursuivent sans amorcer une sortie de la crise financière. Depuis 2010, dans une ville hantée par son déclin, les panneaux publicitaires désaffectés se multiplient, offrant des espaces de projection mentale à défaut de perspectives de consommation. Une nouvelle loi rend en effet illicite ces panneaux installés sans autorisation, et a entraîné leur desaffection massive, accentuée par la chute des investissements financiers. Dans un pays où le pouvoir d'achat est aujourd'hui redescendu au niveau des années 1970, et où le revenu moyen des ménages a été divisé par deux depuis 2008, ces écrans vierges interrogent l'avenir d'une Europe en crise. Ils tracent un parcours dans des paysages urbains marqués par un développement anarchique, vestiges du temps révolu de la croissance et de la confiance, mais aussi de l'individualisme sauvage. Ils sont la pause forcée que les voies du capitalisme rencontrent depuis l'affolement financier des marchés, et sont à l'image d'un aveuglement collectif qui voyait dans l'explosion publicitaire un gage du bon développement d'une nation.
La blancheur des écrans invite à un regard méditatif, porteur d'apaisement après des années de pollution visuelle, mais d'où émerge l'angoisse dès que le contexte ressurgit.
Dans mes images, j'invite souvent le spectateur à contempler une scène. Je l'installe hors action, à une certaine distance du sujet. Mais, contrairement à la porte du bonheur qui s'ouvre chez Victor Hugo dans "Les Contemplations", je préfère une porte vers la mise en garde. Mon point de vue n'est pas romantique mais politique, et je pense que dans mes images, la contemplation devient le lieu d'une réflexion sur des devenirs contemporains inquiétants... La beauté d'une image est là pour nous plonger dans l'observation de notre présent, pas pour nous en sortir ..."
Jürgen Nefzger
© Jürgen Nefzger
"Dans une ville hantée par son déclin, les panneaux publicitaires désaffectés opèrent comme des révélateurs. Ils démasquent une des illusions les plus profondément enracinées des sociétés consuméristes : celle qui confond la diversité de la marchandise et le pluralisme. La disparition soudaine des affiches publicitaires constitue une brèche dans ce récit idyllique. Comme dans Alphaville de Godard, où la destruction de l'ordinateur central entraîne la mort instantanée des habitants, l'extinction massive des messages révèle le caractère centralisé et contrôlé du pluralisme publicitaire. Le blanc des panneaux désaffectés démasque une imposture : celle qui s'obstine à voir dans la joyeuse anarchie graphique des réclames un indice de liberté. Blancs, les panneaux émergent comme un système centralisé détraqué ; une machine totalitaire défectueuse."
Christophe Catsaros
Photo et vignette © Jürgen Nefzger