San Francisco 37° 48’ 30’’ N 9-10-2010 lst 20:58 © THIERRY CoHEN
Galerie Esther Woerdehoff 36 rue Falguière 75015 Paris France
Mois de la photo 2012 Maison européenne de la Photographie 5/7 rue de Fourcy 75004 Paris France
Dans la série de photographies de Thierry Cohen, Villes éteintes, on pense voir des nuits étoilées au-dessus des villes. C’est en fait tout l’inverse. Ce sont les ciels que nous ne voyons pas.
À l’origine de ces photos, une opération sans laquelle rien n’est possible. La voûte étoilée d’un endroit est superposée au paysage urbain d’un autre lieu. Il est impossible d’observer les détails d’un ciel étoilé au- dessus d’une ville. Les lumières des villes génèrent un niveau de pollution lumineuse tel que regarder le ciel urbain revient à être aveuglé par les phares d’une voiture arrivant en sens inverse.
Rio de Janeiro 22° 56’ 42’’ S 04-06-2011 lst 12:34 © Thierry cohen
Et pourtant les étoiles sont là, mais masquées par les interférences des hommes. Thierry Cohen ne se contente pas de remplacer un ciel par un autre par souci de lisibilité photographique. En voyageant dans des endroits dénués de toute pollution lumineuse, sauvages et retirés – le désert d’Atacama, de Mojave, le Sahara occidental... – ayant une bonne clarté atmosphérique mais situés sur la même latitude que ses villes, et en pointant son objectif avec le même angle à chaque fois, Thierry Cohen obtient des ciels qui, puisque la Terre tourne sur son axe, sont les mêmes que ceux que l’on pourrait observer quelques heures auparavant ou ultérieurement au-dessus des villes qu’il a photographiées. En d’autres termes, il montre non pas un ciel imaginaire tel qu’on pourrait le rêver, mais un vrai ciel tel qu’il devrait être vu à, Rio, New York, Shanghai, Tokyo, Hong Kong, Paris...
São Paulo 23° 33’ 22’ S 05-06-2011 lst 11:44 © Thierry Cohen
À mesure que la population mondiale s’urbanise et que nous perdons notre relation à la nature, les conséquences négatives de la pollution lumineuse sont de plus en plus évidentes. Pour les êtres humains, il y aurait des liens physiologiques avec certains types de cancer, et le phénomène de « jour permanent » a certainement un impact psychologique. Tout le monde du vivant, animal et végétal, est également touché. Sans oublier l’observation astronomique, fondamentale pour la compréhension de nos origines, de plus en plus menacée en raison de la perte progressive de la nuit. La «ville qui ne dort jamais» est peuplée de millions d’individus qui ne respectent pas le cycle naturel du travail et du repos. A force de perdre contact avec le ciel, on devient un rat de laboratoire. Thierry Cohen ne nous montre pas seulement les ciels que nous ne pouvons pas voir. Les villes ont l’air mortes, sous le feu d’artifice des étoiles. Il existe une légende urbaine déjà ancienne selon laquelle chaque ville regorge d’énergie et illumine tout ce qui l’entoure. Thierry Cohen nous dit justement le contraire. Il est impossible de ne pas lire ces images comme l’artiste veut qu’elles soient interprétées : froides, des cités froides, coupées des énergies apparemment infinies qui les dominent.
Francis Hodgson