Valparaiso, Chili, série accidents, c-print © Jean-Christophe Béchet / Courtesy Galerie LWS
Atelier des Forges / Parc des Ateliers 13200 Arles France
Refusant de choisir entre le noir et blanc et la couleur, l’argentique et le numérique, le 24×36 et le moyen format, Jean-Christophe Béchet cherche l’outil adapté à chaque projet.
Héritier de la « photo de rue », qu’elle soit américaine, française ou japonaise, il considère qu’il ne faut pas abandonner le terrain du réel et du « document subjectif » pris sur le vif au moment où tout pousse les photographes vers la mise en scène (le marché de l’art comme le « droit à l’image » ou la retouche numérique).
Fuyant les séries fermées sur elles-mêmes, cherchant chaque fois à révéler une spécificité photographique, il construit livre par livre une approche subjective où sa vision du réel dialogue avec la nature même du média utilisé.
La place de l’homme dans le paysage contemporain, urbain comme naturel, est au centre de ses préoccupations.
Il poursuit en ce moment un travail sur sa ville natale, Marseille et développe en parallèle une série en montagne.
Ses travaux personnels ont débouché sur de nombreuses expositions et la publication de huit monographies.
Il est représenté par les galeries Photo4 et Les Douches la Galerie, à Paris.
Ougadougou, Burkina Faso - Tokyo, Japon, série accidents, c-print © Jean-Christophe Béchet / Courtesy Galerie LWS
« ACCIDENTS »
« Cherchant en vain à représenter la bave d’un animal haletant, le peintre grec Protogène jette finalement de dépit une éponge sur son oeuvre ; il obtient alors, par hasard, le rendu recherché Cette anecdote, racontée par Pline l’Ancien, est citée par Pierre Soulages pour expliquer l’importance des « accidents » dans sa peinture.
En photographie, les accidents sont tributaires de l’outil utilisé. Mes accidents portent la trace des technologies argentiques. Sans nostalgie, mais avec la certitude qu’ils témoignent d’une temporalité précise.
Au départ, un accident est un événement négatif, malheureux. C’est pourquoi, l’accident esthétique doit être un ratage, une bévue, une erreur. S’il est volontairement recherché (utilisation d’appareils plastiques, applications vintage pour smartphones), il devient un effet de style.
Les accidents qui m’importent sont ceux qui possèdent une épaisseur fictionnelle. Ils étirent le temps, créant une sensation de travelling. L’image n’est plus coupée de son hors-champ. L’irruption de la lumière ancre les images dans une autre dimension documentaire. L’accident révèle ici la spécificité photographique qui mêle narration et documents, poésie et vérité de l’instant.
Dans chacun de mes livres, j’ai intégré des images involontaires du réel. Face à elles, comme devant l’éponge de Protogène, on peut parler de petit miracle esthétique. Tout créateur aime, je crois, ce moment où son travail s’affranchit de sa propre maîtrise.
La découverte d’un accident réussi offre une respiration de bonheur. En faire une oeuvre à part entière, c’est instaurer une connivence avec le public. C’est aussi démontrer par l’absurde que c’est dans l’improvisation, et même les « couacs », que tient notre travail. Cela atteste de la liberté d’un style. Comme ces jazzmen qui s’emparent avec virtuosité du free jazz pour pousser les instruments aux limites de leur technique.
L’accident survient dans une disponibilité totale à ces hasards objectifs qui créent le bonheur du désordre. Il perturbe la sécurité, la répétition, la maîtrise Il est plus que jamais nécessaire à la photographie du réel. » Jean-Christophe Béchet
Trinidad, Cuba, série accidents, c-print © Jean-Christophe Béchet / Courtesy Galerie LWS
Photos et vignette © Jean-Christophe Béchet / Courtesy Galerie LWS