© William Daniels
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Je me souviens avoir vu des images du Kirghizstan pour la première fois à la télévision. C’était en mars 2005. On y voyait des hommes aux traits asiatiques, surchauffés, courant vers un imposant bâtiment administratif de style soviétique. On les voyait entrer et saccager ce qu’ils y trouvaient, certains même piller. Puis sur le toit, des hommes brandissaient fièrement un drapeau.
Cet évènement fut appelé la « Révolution des Tulipes ». On pouvait lire dans la presse que le peuple kirghize, motivé par les injustices sociales subies, venait de renverser le régime autoritaire et corrompu du Président Askar Akaev pour y mettre à sa place Kurmanbek Bakiev.
C’est quelques années plus tard, loin de l’actualité, quand le petit pays était complètement retombé dans l’oubli, que j’ai visité le Kirghizstan pour la première fois.
Je devais voir ce qu’avait vraiment apporté cette « Révolution des Tulipes » censée « instaurer une transition démocratique dans le pays ». Ladite révolution ne semblait avoir été qu’une vulgaire passation de pouvoir. Les élections étaient toujours truquées, les médias censurés, peut-être même plus qu'avant, des opposants politiques étaient arrêtés. Le pays faisait partie des 15 pays les plus corrompus au monde. C'est toujours le cas aujourd'hui, alors que 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté et au moins autant regrette l’époque soviétique. On parle désormais de la « Révolution des Tulipes » comme d’un coup d’état maquillé en révolution populaire.
© William Daniels
J'ai continué à visiter le pays au cours de plusieurs voyages. J'ai été confronté à son instabilité croissante, jusqu'à ce nouvel évènement sanglant, en avril dernier.
Nouvelle révolution ; peut-être un peu plus réelle celle-ci. Bakiev, le népotique, est renversé à son tour, après avoir fait tirer sur des manifestants dont 86 seront tués, il se réfugie en Biélorussie, comme l'avait fait Akaev cinq ans plus tôt. S'ensuit une période de grande violence pendant laquelle Osh, la capitale du sud sera le théâtre de clashs ethniques. Officiellement 500 morts, mais près de 2 000 selon de nombreuses sources et près de 400 000 déplacés, en grande majorité Ouzbèke.
Certains disent que le jeune pays ne s’est jamais vraiment remis de l’effondrement de l’URSS, en 1991. Et ce qu’il vit aujourd’hui serait toujours l’apprentissage – douloureux – de l’indépendance.
William Daniels
Photos et vignette © William Daniels