© Bettina Rheims
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
La Mep propose tout un pannel de nouvelles expositions pour cet été : " Manga Dreams" d'Anderson & Low, les "Albums secrets" de Charlotte Rampling, "Un Vrai Semblable" de Paul Thorel, et les "Envols" de Jérémie Nassif.
Coup d'oeil sur ce programme éclectique et pasisonnant.
Jérémie Nassif : « Envols »
Jérémie Nassif présente à la Maison Européenne de la Photographie, une sélection d’une quinzaine de photographies, fruit de 3 années de travail et de rencontres dans le monde de la danse.
Jérémie Nassif ne cache pas s’être pendant des années passionné pour la peinture, étudiant comment « ça » s’était fait. Mais son oeuvre me semble aussi philosophique que formelle. J’entends par philosophique, mot qui dépasse certainement la définition que j’en donne : étude de l’être. Comment apparaît-il ? Pourquoi sa disparition ? Comment s’approche-t-il de l’autre ? Le voit-il ? Pourquoi nous touche-t-il ?
Sa démarche nous montre comment naît l’émotion et son incassable empreinte dans notre mémoire. Son appareil de photo, crayon, fusain, jets d’encre, peint l’entrée en scène de ses modèles. La scène étant notre œil, ses personnages notre crève-cœur. On ne peut s’en détacher. On voudrait tout en savoir. Ses photos ont parfois l’air d’être peintes à l’eau, eau noire et blanche, mystérieus qui fait naître des sentiments louches. Nous avons connu pareilles torsions, étirements, contradictions, combats, déchirements du corps.
La rigueur de son trait m’émerveille. Il y a chez lui une pureté, une évidence qui touchent parce que rien n’est simple quand apparaît l’être humain. L’effet est si fort qu’il efface le monde autour et presque nous-mêmes au profit de ce sacre, la grâce.
Quand on parle de photographie on oublie souvent la mise en scène, l’entrée en matière, le déroulement de l’action. Jérémie Nassif sait que si une photo peut être poème, elle reste un émoi. François-Marie Banier
Cartons © Jérémie Nassif
Charlotte Rampling : « Albums secrets »
Sur la planète des stars la personnalité de Charlotte Rampling n’a cessé d’être entourée de ce mystère que reflète l’étrangeté énigmatique de son regard. Après avoir marqué de son empreinte le cinéma, le théâtre, et la chanson, Charlotte Rampling dévoile sa relation originale avec l’univers de la photo.
Pour son propre travail centré sur sa vie intime, Charlotte Rampling ouvre les pages de son album consacrées à la petite enfance, à ses adolescents qu’elle a vu grandir, images qui expriment un hymne à la vie, et aussi l’appétit de ses voyages vécus en Extrême-Orient à l’époque où la Chine n’était pas encore une escale très fréquentée.
Du côté des photos qu’elle a inspirées et pour la première rassemblées, on découvrira celles de Cecil Beaton, Bettina Rheims, Helmut Newton, Alice Springs, Paolo Roversi, Peter Lindbergh, Pierre et Gilles, chacune contenant sa part de surprise et comme c’est également le cas pour Juergen Teller .
Enfin au niveau des autoportraits choisis dans les collections de la Maison Européenne, Charlotte Rampling a retenu notamment ceux de Larry Clark, Ralph Gibson, Marie-Laure de Decker, Duane Michals…
Une musique originale faisant l’objet d’une installation sonore a été spécialement conçue par Jean Michel Jarre pour cette exposition.
© Bettina Rheims
Anderson & Low : « Manga Dreams »
Manga Dreams est un projet artistique inédit qui fait référence à l’art du portrait et dont l’esthétique, à mi-chemin entre photographie, graphisme, peinture numérique, calligraphie et vidéo, invite à plusieurs niveaux de lecture. Les sujets photographiés s’inspirent des mangas pour élaborer leur look, s’affublant de coiffures extravagantes et de tenues élaborées avant de se mettre en scène devant l’objectif.
Originaire d’Asie, le mot manga fut employé par Hokusai pour désigner des dessins humoristiques. Mais c’est surtout à la bande dessinée que renvoie la définition contemporaine de ce mot. Dans le cadre de cette exposition, le manga illustre le lien entre les formes d’expression urbaines, la cyberculture visuelle et l’art contemporain. Si on considère l’influence de la culture de la rue sur l’art moderne, on peut saisir à quel point Manga Dreams s’inscrit dans cette filiation artistique.
Lors d’un voyage en Asie, le duo de photographes est frappé par le changement radical de la jeunesse nippone. Les grands centres commerciaux sont devenus les épicentres où s’exprime un nouveau phénomène culturel : une jeunesse se forgeant un style inspiré des mangas et des personnages de films d’animation. Vêtements, coiffures, gestuelle tout droits sortis de l’imaginaire manga les transportent dans un monde parallèle, loin de la réalité. Anderson & Low décident alors de réaliser une série d’images liée à ce phénomène.
En établissant un dialogue avec leurs sujets, Anderson & Low ont recréé en studio leurs nouvelles identités : d’une apparence classique au départ, chaque personne devient petit à petit un personnage emblématique de l’univers fantasy.
Anderson & Low utilisent la technologie numérique pour créer un univers ambigu et insufflent à leurs images le pouvoir d’altérer notre perception du réel. En filigrane de ce projet, on retrouve un thème récurrent dans l’œuvre de ces artistes : celui de l’identité et de l’apparence.
(The Girl in the Red Hat) ©Anderson & Low
Paul Thorel : « Un Vrai Semblable »
Si les photographies énigmatiques de Paul Thorel peuvent, à juste titre, s’inscrire dans une esthétique de la distorsion, il en est une autre qu’elles portent en elles : celle causée par l’une des innovations tech nologiques les plus influentes du 20ème siècle , la télévision. Bien que pour Pierre Bourdieu, la télévision fasse « courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle », force est de constater que pour Paul Thorel elle est au contraire une source d’inspiration artistique des plus fécondes. Mais peut-être faut-il s’empresser d’ajouter que ce qui a surtout laissé une empreinte indélébile sur les rétines de l’artiste lorsqu’il était adolescent, ce sont les lignes de fracture, l’image brouillée, la neige cathodique ou les anamorphoses accidentelles que causait la mauvaise réception du signal audiovisuel sur l’écran de télévision familial. C’est sur la base de ce rapport fasciné à la télévision et aux multiples possibilités d’apparition, de disparition, de transformation de l’image télévisuelle que l’artiste va s’engager dans des expérimentations formelles quelques années plus tard. Ses collaborations avec des programmeurs de logiciels et sa maîtrise de l’outil informatique dès le début des années 1980 lui permettent alors d’être un des tous premiers artistes européens à explorer les technologies digitales dans le champ de la photographie.
Dès ses toutes premières œuvres, l’altération de l’image pèse déjà de toute son autorité et conduira Paul Thorel à forger un style d’image photographique immédiatement identifiable, comme en témoigne notamment l’œuvre intitulée Trois fillettes s’en vont en guerre réalisée en 1991. Une autre composante matricielle s’impose dans toutes les œuvres de l’artiste : la figure humaine. Qu’il s’agisse d’un visage ou d’un corps, la présence humaine semble traverser les représentations les plus abs-
traites au premier abord. Il faut dès lors « envisager » que derrière chaque paysage à l’épure toute minimaliste vibre l’expression d’un portrait, soupçonner que les compositions botaniques abstraites contiennent un agencement de visages composites, effiler la trame de l’image fossile de lointaines étoiles pour qu’apparaisse soudain le contour d’une foule d’hommes en prière. Pour faciliter cette apparition, la mise à distance de l’image est souvent requise ; elle permet de laisser affleurer le visage ou la silhouette qu’une trop grande proximité physique avec l’œuvre ne permettait pas de saisir. Le regard mobile du spectateur vis à vis de
l’image, entre proximité et éloignement, cette vibration de la ligne, entre mouvement et fixité, ce clignotement entre le proche et le lointain, l’ombre et la lumière, la (dé)figuration et l’abstraction ne laissent jamais l’œil au repos. L’image photographique, entre affleurement et dissolution, semble agir comme un mantra, berçant notre regard dans une sorte de stase visuelle, de boucle rythmique, toute en répétitions et variations créant les conditions de possibilité d’un état véritablement méditatif. Jean-Luc Soret, Commissaire d’exposition
© Paul Thorel