Coquelicot, 1994 © Denis Brihat
Pavillon Populaire de Montpellier Esplanade Charles de Gaulle 34000 Montpellier France
«Selon la nouvelle ligne d’expositions voulue par Gilles Mora, son directeur artistique, le Pavillon Populaire ouvre, pour les deux manifestations à venir, une thématique nouvelle : celle de la place du végétal et de la nature dans la photographie. Elle succède au thème précédent, centré autour de la ville et de ses pulsions dans le temps.
D’une manière identique, ce projet aborde les sujets choisis en proposant une approche résolument ancrée dans le patrimoine photographique, qu’il soit ancien ou contemporain. Car il s’agit de rendre lisibles, pour le public venu de plus en plus nombreux visiter ces expositions, les évolutions, les marqueurs d’un art à la fois populaire mais aussi plus en plus complexe. En produisant, une fois encore, une exposition exclusive, conçue spécialement pour le Pavillon Populaire, la Ville de Montpellier offre un regard original et frais sur une expression artistique majeure.
« Au bonheur des fleurs » est une manifestation d’été. On ne s’étonnera donc pas qu’on l’ait voulue joyeuse, ouverte sur une pratique qui, loin d’être anecdotique ou saisonnière –elle remonte aux origines du medium, dès 1839– n’en est pas moins liée aux éclosions printanières, célébrées, ici, par les « Cerisiers en fleurs » qu’a photographiés au Japon, l’illustre américain Lee Friedlander, voire aux apparitions estivales : qu’ils sont admirables, ces coquelicots multiformes du français Denis Brihat !
On sait, dans notre inconscient collectif, la part faite au langage des fleurs. Il touche, au gré des cultures, au domaine de la vie et de la mort, accompagne les grands moments de notre existence, de l’effeuillage enfantin des marguerites (cette hiérarchie hasardeuse des passions, de leur absence à leur excès), aux couronnes mortuaires, organise les symboliques politiques, de la rose à la fleur de lys… Les fleurs, dans certaines cultures orientales, sont l’objet de rituels complexes. Elles traduisent, chez nous, la marque spontanée d’un élan du cœur ou d’une affection, ou d’un adieu. Et souvent, dans notre environnement quotidien, jusqu’aux jeux du « kitsch »,fondent notre horizon décoratif.
Cette exposition présente le travail floral de cinq des plus grands acteurs de la photographie internationale. Certains, à cette occasion, Nobuyoshi Araki, Paul Den Hollander ou Gérard Traquandi, ont accepté d’y montrer, pour la première fois, quelques unes de leurs séries inédites. Tous ont voulu nous faire partager, à l’unisson du bonheur de leur prise de vue, leur recherche, par les images florales, d’une beauté toute pictorialiste.
Le « bonheur des fleurs » –et les images présentées ici le montrent avec éclat- se redouble de celui des photographes qui les choisissent pour sujet. Nous souhaitons de tout cœur le voir prolonger son effet euphorique, sa stimulation esthétique, en direction des visiteurs de cette exposition exceptionnelle.»
Hélène MANDROUX, Maire de la Ville de Montpellier et M. l’Adjoint au Maire de Montpellier, délégué à la Culture Conseiller général de l'Hérault
© Paul Den Hollander
© Lee Friedlander
«Il ne faut jamais oublier qu’à ses tous débuts, la photographie expérimente ses premiers procédés techniques… en prenant les fleurs comme sujets : c’est ce que fait l’anglais Fox Talbot, dès 1839, avec ses « dessins photographiques » de végétaux. Et la modernité photographique, née dans les années 1920, offre aux allemands Karl Blossfeld ou Albert Renger-Patzsch, aux américains Edward Weston ou Immogen Cunningham, l’occasion, par leurs images florales, d’expérimenter l’importance de la forme photographique.
Les fleurs sont encore, dans la photographie contemporaine, l’occasion rêvée de poursuivre ce rêve d’enchantement, par la forme et la matière végétale, d’un accomplissement artisanal ou symbolique de la photographie . Leur séduction graphique, leurs connotations sensuelles, voire sexuelles, leur force allégorique, leurs références picturales, se combinent en autant de vocabulaires visuels ou d’épanchements secrets, explorés avec désir et gourmandise par les photographes les plus inattendus.
Le japonais Araki (1940- ), en une série montrée ici pour la première fois (« La Bête et la Fleur, 2011 »), y trouve l’écho trouble d’Eros et de Thanatos, le hollandais Paul den Hollander (1950- ), les grâces subtiles et colorées (« Metamorphosis, 2007 ») ou parfois électriques (« The Luminous Garden, 2011 »), d’un jardin fleuri en constante métamorphose. L’américain Lee Friedlander (1934- ), lui, se détourne, en les choisissant comme sujets, d’une position documentaire souvent urbaine distanciée, pour reformuler, en les photographiant, les éléments d’un nouveau paysage japonais adouci, celui des cerisiers en fleurs (« Cherry Blossom in Japan, 1977- 1984 »).
Quant au français Denis Brihat (1928- ), ses florilèges photographiques déclinent, en rouge et noir follement élégants, produits d’un savoir-faire artisanal magistral, son amour absolu d’une nature potagère.
Et les peintres ? Voici Gérard Traquandi (1952- ), abandonnant les positions de l’abstraction pour, se saisissant de la chambre grand format, en un retour gourmand vers le réalisme, s’enchanter aux explorations délétères de la matière florale, en une série totalement inédite (« Passion, 2012 ») de bouquets pourrissants.
Cette exposition d’été (90 tirages couleurs ou noir et blanc, 10 dessins. ) le dit bien fort, et avec des fleurs : la photographie s’invente mille bonnes raisons, depuis des lustres, pour continuer à célébrer le règne végétal… Succomberait t’elle encore aux délices d’un pictorialisme à nouveau triomphant, sans remords assouvi ?»
Gilles MORA,
Commissaire de l’exposition
Directeur artistique du Pavillon populaire
© Paul Den Hollander