© Mireille Loup
53.77 est une série photographique anaglyphe.
Le procédé anaglyphe permet une lecture d’image en trois dimensions par l’utilisation de lunettes anaglyphes rouge-cyan. Les différents plans se découpent alors à l’intérieur de l’image, ils se décalent et suivent l’œil du spectateur selon ses déplacements. Les photographies sont bichromatiques, en effet l’image en noir et blanc est majorée du procédé anaglyphe rouge-cyan pour les zones mises en trois dimensions. Le procédé restitue les six prises de vues, à gauche et à droite de la scène, assemblées en une seule image anaglyphe.
L’intérêt des recherches sur les techniques anaglyphes de Mireille Loup résident dans le fait que les images, hors port des lunettes et donc hors tridimensionnalité, proposent une esthétique du flou toute particulière qui vient servir l’univers de cette série.
53.77 s’inscrit dans la suite logique des images blanches extraites de la série Mem, réalisée par Mireille Loup en 2009, et qui donnèrent naissance à la série Les autres en 2011. Les autres présentaient la déambulation de trois adolescents dans des lieux atemporels, sans expressions, entourés de filets de lumières spectrales, en référence au film du même nom d’Alejandro Amenàbar.
Aux aspects surnaturels déjà présents dans ses précédentes séries, Mireille Loup accède avec 53.77 à une réalité virtuelle. Ce travail propose une évolution fantomatique. Une jeune fille et un enfant d’une dizaine d’années se croisent parfois dans un même espace, sans pour autant entrer en interaction. Ils semblent absents l’un pour l’autre. La notion de vide est accentuée par la composition de l’image et l’atemporalité de ces lieux dénudés. Pas de meubles, pas de signes.
© Mireille Loup
Au fur à mesure des photographies, quelques indices sont donnés au spectateur : vêtements mouillés, apesanteur lui suggèrent un lien avec le surnaturel. Libre à lui alors de s’interroger sur le titre 53.77, 1953, 1977, sur ce jeu de croisements de temporalités différentes.
L’absence est montrée également dans l’esthétique même de l’image. Les personnages sont gris et flous. Ils ne prennent leur place, ils ne s’incarnent que sous l’action du spectateur qui portera les lunettes en relief. Mireille Loup invite le spectateur à pénétrer dans cet univers ou à s’en extraire par l’interactivité du procédé anaglyphe.
Dans les dernières photographies de la série, les protagonistes des images regardent peu à peu le spectateur. Jusqu’alors voyeur en retrait des scènes, celui-ci passe de l’autre côté du miroir. Il est vu autant qu’il regarde et s’incarne à leurs yeux comme il les a incarnés chaque fois qu’il aura observé leur réalité virtuelle.
© Mireille Loup
Photos et vignette © Mireille Loup