© Alice Carfrae
FOCALE - Association pour la photographie 4, Place du Château 1260 Nyon Suisse
A Sindhupalchok, au nord-est du Népal, il est facile de deviner quelle famille a vendu une fille ou perdu une mère en regardant les toits du village.
Un toit en zinc, au lieu des traditionnelles tuiles, signifie qu’un sacrifice a eu lieu. Dans l’espoir d’améliorer la situation économique de leurs familles, des jeunes femmes sont envoyées comme esclaves domestiques vers le Moyen-Orient. On donne à ces femmes le surnom de «filles d’étain» (Tin girls).
Le trafic des êtres humains est un phénomène majeur au Népal. La guerre civile et la précarité de la situation économique, sanitaire et sociale conduisent les franges les plus marginalisées de la population à vivre en économie de subsistance. Dans les régions les plus pauvres et les plus reculées, des femmes et des enfants sont recrutés par des « agences », parfois organisées en réseaux, et sont ensuite envoyés vers les grands centres urbains du pays, de l’Inde voire du Moyen-Orient comme esclaves domestiques.
Si certaines femmes sont assez chanceuses pour pouvoir renvoyer au pays un maigre salaire, la majorité de ces femmes se voient voler leurs passeports, visas et affaires personnelles dès leur arrivée. Dans la plupart des cas, elles sont exploitées et souvent battues, torturées ou violées. Elles ne retournent au Népal que lorsqu’elles ne peuvent plus travailler, par épuisement ou suite à des problèmes de santé (beaucoup d’entre elles contractent des MST). Malgré ces conditions et les expériences qu’elles endurent, un grand nombre de ces femmes retournent travailler une deuxième, voire une troisième fois.
En 2010, Alice Carfrae se rend à Sindhupalchok, région particulièrement touchée par le trafic humain d’Asie du Sud. Partageant le quotidien de familles touchées de près par ces situations dramatiques, elle recueille les récits de jeunes femmes ayant survécu au trafic et désireuses de partager leur histoire. Raconter ce lourd passé est un acte important à leurs yeux.
Par ce témoignage, elles espèrent briser le stigmate social qui entoure le trafic humain et ainsi pouvoir lutter contre son existence. Dans le cadre d’une résidence à Dartington en février 2012, la photographe poursuit ce travail autour du témoignage en collaborant avec la compagnie de théâtre Viva Voce. Sur la base des photographies et des interviews réalisées à Sindhupalchok, ils réalisent ensemble un projet multimédia sous la forme d’une pièce de théâtre.
Alice Carfrae est une jeune photographe originaire d’Angleterre. En 2011, elle obtient son diplôme à la prestigieuse Université de Newport, au Pays de Galles. Ses travaux ont régulièrement été publiés par des magazines et des journaux tels que The Sunday Telegraph Magazine, Exit Magazine, Square Magazine et Wales Today.
© Alice Carfrae
Photos et vignette © Alice Carfrae