© Eric Marrian, Étude 17
Young Gallery 75b Avenue Louise 1050 Bruxelles Belgique
Dévoilée en 2005, cette série a très vite rencontré le succès. Il n'a pas fallu longtemps pour comprendre qu'Eric Marrian faisait oeuvre originale en montrant le corps et en se frottant à ce genre universel, mais difficile entre tous, qu'est le nu.
"Carré blanc", c'est un oeil neuf, amusé, attendri parfois, toujours aiguisé, invariablement exigeant. Un oeil d'architecte qui conduit à célébrer la science des volumes et la géométrie des corps, pour l'oeil d'un public qui ne connaît aujourd'hui plus de frontières. Mais surtout un corps nouveau remodelé par l'objectif.
Un corps compris et révélé comme réservoir de pièces d'un grand puzzle et appréhendé à la manière d'un terrain de jeu : un corps jamais dévoilé dans son intégralité mais au contraire démembré, taillé comme dans la pierre et cisaillé, où le visage le plus souvent se fait porter pâle : pour tout dire, un corps ludique, sculptural, glorieux et autosuffisant.
© Eric Marrian, Étude 39
L'un des charmes de "Carré Blanc" vient de ce que la série compose une facétieuse et poétique grammaire des blasons charnels, avec des paysages imaginaires et des reliefs inattendus qui dessinent une contrée à la fois familière et inexplorée.
Chez Marrian, le sujet photographique par excellence qu'est le corps féminin est dépourvu d'érotisme. Tactile mais épuré, il adopte le parti pris du jeu et de l'allégorie, il chante les métaphores de la chair. Rien d'impudique dans les tours et les détours de ce corps "dé(com)posé et restructuré qu'on dirait parfois proche de l'univers des surréalistes pour les jeux d'esprits, les devinettes et les paysages mentaux qu'il inspire.
Aussi, c'est un corps spiritualisé qui fait sentir la présence des choses et l'esprit à l'oeuvre derrière l'enveloppe charnelle. Les photos donnent au corps de la femme une épaisseur, une densité, une texture que l'on rencontre rarement sous l'objectif des chasseurs de nu. Lignes sinueuses s'esquivant en mélodies estompées ou au contraire en arabesques interrompues et lignes brisées, études d'arrondis et de plis, mains et avant-bras repliés sur des chairs souples et déliées, etc… : ce corps gorgé d'angles et de point de vue, de plans de coupe et de perpectives, obéit à quelque secrète raison géométrique.
© Eric Marrian, Étude 108
Et l'on devine que c'est un géomètre malin, déguisé en photographe, qui a donné vie à ce corps morcelé et pourtant complet, en préférant le fragment au tout et en cultivant le goût du détail, y compris le plus infime, celui de la peau, de muscle ou encore de poil, exhaussé en poésie parfois saugrenue.
Que d'âme dans ces morceaux de corps ! Tel est le sens du programme de "Carré Blanc" : un nu où la grammaire du corps s'élève bien au dessus de la simple nudité et du chant du sexe, un nu qui donne à penser et qui célèbre les métamorphoses su corps et de l'âme. David Brunat
Vignette : © Eric Marrian, Étude 17