© Lisa Sartorio, Série Décora©tif, Salle da bain Fanga
La Galerie Binôme présente les travaux des cinq dernières années de l’artiste, qui attestent d’un don pour jouer de l’image fixe afin d’engendrer de nouvelles formes photographiques.
Ainsi, la série des Suspensions (2010), emprunte à l’évidence au cinéma sa mise en scène des personnages, le mouvement de la caméra et le travail de montage. Etrange confrontation entre cet homme solitaire et deux enfants ouvrant leurs cadeaux. Souvenirs d’enfance ou nostalgie du pays, réunion de famille ou séparation ? L’image s’appelle Bergmann et, lorsqu’on l’interroge, Lisa Sartorio se réfère aussi au cinéma d’Antonioni.
L’amplitude de ces photographies est large, lesquelles donnent à voir tout à la fois un déplacement panoramique et une durée, comme dans un travelling. Le spectateur est ainsi plongé dans une réalité fictive qui s’étale dans une sorte de présent continu, autorisant sans fin toutes les relectures.
© Lisa Sartirio, Série Suspensions, Bergmann
La série Décora©tif, réalisée en 2012, donne son titre à l’exposition. Ici, la frontière entre fiction et réalité est encore plus tangente. La perception première d’une banale scène d’intérieur est fugace et l’oeil sent rapidement que cette représentation du quotidien dérape. De fait, ces tableaux photographiques orchestrent un décalage entre le jeu de protagonistes que l’artiste dirige, et les intérieurs à vendre d’un magasin de cuisine et d’ameublement.
Le contraste est saisissant entre les aspérités physiques des personnages et l’aspect lisse des lieux. Le mystère, la poésie, la folie, qui font les choses de la vie, ne se dégagent pas des meubles laqués, mais bien de ces êtres dont le regard songeur, ou la posture décalée, s’imposent finalement à ces espaces muets.
© Lisa Sartorio, Série Décora©tif, Cuisine Luna
Sous toutes ces formes, Lisa Sartorio entreprend ainsi le réel comme un espace à fracturer, dans lequel elle introduit, lentement, un processus de figuration et de transformation, inhérent à l’acte de créer et de penser. La photographie n’est plus seulement une surface à regarder, elle devient un espace de traversée, un champ d’occupation.
Lisa Sartorio vient de la sculpture (Prix de la Fondation de l’ENSB à Paris en 1992) et de la performance. Artiste attachée à la scène nationale de Cavaillon de 2002 à 2008, elle collabore avec la Maison du Geste et de l’Image à Paris depuis 2009.
Parmi ces dernières performances et installations remarquées, Putain je t’aime présentée au Palais de Tokyo et au Théâtre de Chaillot en collaboration avec Arte, Exposition temporaire à Elles@Centre Pompidou au Musée Beaubourg, ou Terrain d’entente lors de la Nuit Blanche parisienne en 2010.
© Lisa Sartorio, Série Suspensions
Influencés par sa formation de plasticienne, ses travaux photographiques questionnent l’espace entre : deux lieux, deux êtres, deux mots, deux arts, deux temps. Somme d’espaces du milieu ou d’interstices, ces images chevauchent les genres, entre photographie et cinéma, photographie et dessin, photographie et objet. Attachée à la narration, Lisa Sartorio cherche par ces extensions du champ photographique à dépasser l’instant pour raconter des moments.
Venue de la sculpture et de la performance, Lisa Sartorio conçoit la photographie non pas seulement comme une surface à regarder mais comme un espace de traversée, un champ d’occupation...
Vignette : © Lisa Sartorio, Série Décora©tif, Salle da bain Fanga