True Love Wall, Gateshead Town Center, Tyneside, 1975 Courtesy of the Artist © Chris Killip
Le Bal inaugure une saison britannique avec une première exposition consacrée à une figure majeure de la photographie documentaire sociale : Chris Killip
Photographe majeur de la scène britannique, Chris Killip, dès le début des années soixante-dix, a ouvert à la photographie documentaire de nouvelles perspectives, dont l’influence demeure aujourd’hui perceptible dans le travail de photographes contemporains tels que Martin Parr, Tom Wood ou Paul Graham.
Né à Douglas, sur l’île de Man en 1946, Chris Killip commence la photographie à dix-sept ans et devient l’assistant à Londres d’un célèbre photographe publicitaire.
Inspiré par le travail des Américains Paul Strand et Walker Evans, et des Européens Bill Brandt, August Sander et Robert Frank, il revient en 1969 sur l’île de Man, dont le nouveau statut de paradis fiscal bouleverse la culture et les modes de vie ancestraux.
Il s’attache alors aux visages, aux paysages, pleins d’âpreté et de grâce, à l’image d’un monde apparemment immuable, sur le point de basculer.
Mr Johnny Moore, Ballaona, Michael, 1971 Courtesy of the Artist © Chris Killip
Membre fondateur de la Side Gallery à Newcastle upon Tyne en 1976, Chris Killip va s’immerger pendant vingt ans dans des communautés du nord de l’Angleterre : Huddersfield, Lynemouth, Skinningrove.
Faisant corps avec cette région, ses paysages, sa topographie, ses habitants, il devient le chroniqueur de la désindustrialisation et de la confrontation, souvent très brutale, d’une classe ouvrière britannique avec une politique économique hostile.
Mills, 1974 Courtesy of the Artist © Chris Killip
Armé de sa seule chambre 4 x 5 pouces, Chris Killip se jette dans son temps, un temps instable, chaotique. « Un temps détraqué, celui des ruptures de la modernité. Un temps qui ne se contente plus de passer mais dont la nature même change. Le temps de Chris Killip sera l’Histoire telle qu’elle est vécue de l’intérieur, et non telle qu’elle est écrite. Celle des oubliés, des marginalisés, des laissés pour compte de la modernité. » David Campany
Rocker and Rosie Going Home, Lynemouth, Northumberland, 1984 Courtesy of the Artist © Chris Killip
Dans les années soixante-dix, au moment où les magazines privilégient souvent une photographie spectaculaire, sentimentale et dépolitisée, Chris Killip affirme une écriture plus abstraite, plus complexe, plus ouverte. Laisser la place au doute et à l’incertain, puisque notre appréhension de la réalité ne peut être que partielle, fragmentée.
Avec le livre In Flagrante, publié en 1988, l’œuvre de Chris Killip en vient à incarner la complexité du projet documentaire au sens large, cet équilibre fragile entre l’enregistrement clinique des faits et un regard subjectif. Atteindre une grande rigueur formelle sans renoncer à l’empathie, établir avec ses personnages une distance qui n’en est pas une, révéler et rester en retrait.
Punks, Gateshead, Tyneside, 1985 Courtesy of the Artist © Chris Killip
Paradoxalement aussi, chaque rencontre, chaque micro-narration, chaque destin qui bute, contribue à écrire le récit monumental du tout. Exilés en eux-mêmes, les personnages de Chris Killip paraissent ne plus pouvoir s’arrimer, se regarder, dans l’incapacité d’agir, fusionnant en une image de dérive collective. In Flagrante (en latin : « pris en flagrant délit » ) sera pour Chris Killip le roman de l’Angleterre telle qu’il l’a vécue. Flagrant délit de fiction. Flagrant délit de vérité.
Depuis 1991, Chris Killip enseigne la photographie à l’Université de Harvard.
Exposition présentée en collaboration avec le Museum Folkwang (Essen - Allemagne).
Le Bal inaugure également cette saison "british" avec une exposition consacrée à une figure majeure du cinéma britannique : John Smith.
Né à Londres en 1952, John Smith est l’une des grandes figures du cinéma expérimental britannique.
The Girl Chewin Gum, 1976, 12’ © John Smith
En 1976, il réalise un court-métrage intitulé The Girl Chewing Gum dans lequel une voix autoritaire semble diriger l’action d’une rue très animée de Londres. Il devient bientôt clair que les gestes des passants ne répondent pas à la voix mais que c’est l’inverse.
The Girl Chewin Gum, 1976, 12’ © John Smith
Les mots ne prédisent pas les événements, mais les confirment. Avec des moyens mininaux, un « ready-made filmique », le cinéaste prend le contrôle de l’univers. En prêtant l’oreille au bruit de fond du quotidien, il en révèle la dimension extra-ordinaire.
Comme le dira Diane Arbus, « Si vous observez la réalité d’assez près, si d’une façon ou d’une autre vous la découvrez vraiment, la réalité devient fantastique. »
Vignette : True Love Wall, Gateshead Town Center, Tyneside, 1975 Courtesy of the Artist © Chris Killip