© Denis Brihat, Coquelicot, 40 x 50 cm, 1997
Savez-vous quel artiste osa, le premier, accrocher au mur une photographie, tel un tableau ? C’est Denis Brihat. Quelle audace ! Nous sommes en 1958.
Ses « tableaux photographiques » célèbrent la nature, fruit des recherches personnelles qu’il vient de commencer dans le Luberon. Mais cet événement majeur de l’histoire de la photographie ne va pas seul, accompagné d’un cortège de provocations et de sublimes tentations.
Alors qu’à l’aube des années 60, on photographie avec de petits appareils, il utilise la chambre de grand format et des plaques sensibles à l’ancienne.
Quand les laboratoires tirent les épreuves en grandes séries, Denis Brihat développe chaque image en quelques exemplaires seulement. Les reporters parcourent le monde et sont publiés dans les magazines comme il le fit lui-même.
Maintenant, il préfère tenter l’aventure au fond de son jardin : contemplation de la nature. La joliesse consacre la mode et la publicité, il consacre la beauté du monde dans l’infiniment modeste et recherche l’absolu dans un oignon, un coquelicot, une poire tombée de l’Eden. La couleur industrielle claque de mille contrastes saturés, Denis Brihat obtient la couleur à la manière d’un alchimiste par des métaux précieux, des virages à l’or...
© Denis Brihat, Poire, 30 x 40 cm, 1972
Ce parcours exigeant et audacieux commence par un bref passage à l’école de Vaugirard et la pratique de son métier dans l’architecture, l’industrie, le reportage, le portrait. Dès 1952, le Parisien s’installe dans le sud de la France, photographie pour l’édition et aborde ses premiers travaux personnels. Encouragé par Robert Doisneau, il rejoint l’agence Rapho. Puis, c’est le temps de l’Inde et des trésors en noir et blanc consacrés par le prix Niepce en 1957.
© Denis Brihat, Orchidée, 40 x 50 cm, 1987
Il arrive Bonnieux ; il peut commencer son chemin artistique ! Tant par son regard que par les procédés de tirage qu’il met au point, Denis Brihat célèbre la nature et ses humbles trésors qu’estiment les gens de peu.
Son art original est célébré par les plus grandes institutions : du Musée des arts décoratifs (Paris) au Museum of Modern Art (New York); de La Demeure à Paris au Musée Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône, à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence sans oublier la galerie Agathe Gaillard, le Musée de l’Elysée à Lausanne, la Galerie du Château d’eau de son ami Jean Dieuzaide à Toulouse. Et encore. Santa-Fe, Denver, Bienne, Londres, Berlin et la galerie Focale de Nyon,… Les photographies de Denis Brihat font partie de grandes collections publiques et privées.
Mais cette consécration ne lui fait pas oublier la jeune génération. Sa générosité le conduit à partager ses secrets, à offrir son savoir et sa sagesse aux étudiants et stagiaires qu’il a reçus, durant de nombreuses années, dans son atelier du Luberon.
Denis Brihat est le jardinier du temps, un semeur de vérité. Alors que nous sommes saoulés par tant d’images, il ne nous en offre que quelques-unes, mais essentielles. Le colosse admire l’escargot escaladant la tige du coquelicot : émerveillement ! En regardant ses tableaux, nous sommes en recueillement, au plus près de la nature.
© Denis Brihat, Oignon germé, 30 x 40 cm
La sensualité n’est pas exclue, la gourmandise non plus; croquerons-nous la poire ? Mais ce qui est, peut-être, le plus important dans l’œuvre de Denis Brihat, ce n’est finalement pas tant le sujet photographié que ce qu’il nous transmet.
Il nous transforme, il nous ouvre les yeux sur ce que nous ne savions plus voir. Il nous rend plus humains, plus sensibles à cette nature que nous avions oubliée. C’est la magie des images de Denis Brihat.
Si les tirages originaux sont de plus en plus rares, les collectionneurs sauront en acquérir directement auprès de l’AD-Galerie. Nous pouvons retrouver cette œuvre développée dans son livre Le jardin du monde publié aux éditions Le temps qu’il fait. Mais l’ouvrage est déjà presque épuisé. L’artiste non; il poursuit son chemin pour nous.
Olivier Delhoume
Vignette : © Denis Brihat, Coquelicot, 40 x 50 cm, 1997