© Andrew McLeish
BERGGER S.A. 4 RUE DES FILLES DU CALVAIRE 75003 Paris France
La crise, quelle est cette chose qui, depuis des années, fait chaque jour la Une des journaux ?
La finance, la Grêce, les exclus, l’immobilier, le pouvoir d’achat… ne sont que des signes visibles pour celles et ceux qui sont frappés par les conséquences de cette évolution du monde.
Cinq photographes de 10-online ont decidé de travailler dans des directions diamétralement opposées à ces symptômes visibles en se focalisant sur la richesse et ses bénéficiaires.
Cinq visions d’un monde qui n’est pas le nôtre, et qui pourtant fait partie intégrante de notre environnement quotidien. Aucun de nous n’a eu besoin de prendre un avion pour photographier une richesse chaque jour davantage présente dans nos villes, même si celles et ceux qui y ont accès sont de l’autre coté de la vitre.
La frontière est transparente, cette transparence est provocante, choquante. Des mondes séparés par un “si peu” si insondable, des mondes qui peuvent se voir sans jamais se mélanger...
Pascal BASTIEN - Le dos des femmes
Pascal Bastien ne cherche pas la photo tape à l’œil. Sa manière n’est pas violente, il préfère agir en douceur. Une douceur qui se retrouve dans la plupart de ses clichés. Pour mieux se faire oublier, trouver la bonne distance, le bon angle et capter un tout petit morceau d’une vérité insaisissable, il contourne ses proies. On le devine un peu matou, un peu voyeur. Dans ses images sur les riches et la richesse, on reconnaît sa manière de s’approprier n’importe quel sujet. Plutôt que de pointer vulgairement son appareil pour diriger notre regard, c’est comme s’il entrouvrait une porte dérobée pour mieux nous faire entrevoir toute l’étendue d’un monde caché. Pascal Bastien photographie ce monde en douce, avec un penchant certain pour le dos des femmes. Mais ce qui frappe le plus dans ses images tient en un mot : mystère. Pascal a le chic pour créer une tension mystérieuse plutôt que
d’épuiser son sujet. Il sait que rien n’est plus ennuyeux qu’une photographie qui prétend tout montrer. Au lieu de flasher ses victimes par surprise comme un vulgaire paparazzo, il les frôle du regard et les caresse dans le dos avec le bout de son objectif. Dans ses photographies, quelques signes extérieurs de richesse sont disséminés comme autant d’indices. Des tenues de soirée, un port de tête, un bout de tapis, une main qui se cache au fond d’une poche, une décapotable parfaitement lustrée, une pochette élégamment pliée, du mobilier un peu désuet… C’est comme si le temps était suspendu, comme s’il n’avait pas de prise sur ces riches éternels qui savent si bien se tenir. On songe au Guépard de Visconti. Et si rien n’avait changé ? Certaines de ces images semblent tirées d’un rêve ou d’un film oublié. Puisqu’il paraît que l’on rêve en noir et blanc, disons qu’il s’agit d’un rêve dont on ne comprend pas grand-chose. Comment reconnaître les personnages puisqu’ils sont de dos ? Comment deviner ce qui se trame ? Impossible de lire sur les lèvres. Impossible de scruter au fond des yeux. Le rêve doit nous échapper pour rester un mystère. Nulle trace d’envie, nulle ironie dans ces photographies. Mais si Pascal Bastien est un vrai gentleman, il ne faudrait pas oublier qu’il est aussi un peu voleur. A la manière d’Arsène Lupin, il s’introduit sans violence chez les riches. Il ne leur vole ni argent ni bijoux, il se contente de leur subtiliser un peu d’intimité. Il dérobe en douce des petits riens. Il attrape au vol des dos, des robes, des mains et cela suffit à faire naître le mystère.
Cyril BITTON - Riches - Richesses
Je me demandais ce que j'allais bien photographier. Ce qui m'intéressait le plus était de montrer comment sont fabriquées nos richesses, et montrer ainsi la condition des travailleurs, en Afrique, en Chine, a l'étranger. En regardant le monopoly de mon fils, je me dit: pourquoi ne pas reprendre les rues les plus chères du jeu et montrer leurs vitrines de luxe. N’est-ce pas principalement par des objets, codes visuels et visibles d’identification, que les riches nous montrent qu'ils le sont ?
Christian LIONEL-DUPONT - Les aquariums de Cannes
Après avoir tourné tout autour des propriétés murées des oligarques russes du Cap d’Antibes, truffées de caméras, d’agents de sécurité, un monde inaccessible, j’ai atterri dans ce lieu connu et hautement symbolique de France : Cannes et sa Croisette. Cannes et sa Croisette où les grandes marques du luxe mettent le paquet pour présenter leurs produits et attirer une foule de gens de tous milieux : ceux qui rêvent devant le temps d’un passage et ceux qui viennent acheter les derniers modèles à la mode. Entre bon goût et horreur, ces vitrines attirent, comme un aimant tout au long de l’année vacanciers, étrangers en villégiature, et aficionados du bling bling. C’est un miroir, une succession d’aquariums où les poissons seraient des denrées rares, plus chères que le kilo de thon rouge. Les accessoires d’un monde s’affichent et s’étalent face à la mer qui monte.
Gamin, je rêvais de voyages, de rencontres, histoire d’aller voir par moi même ce qu’il y avait derrière l’horizon. Après 20 ans passé sur les mers comme pêcheur, plongeur, coureur au large, convoyeur, capitaine, je ne décroche pas vraiment mais l’appareil photo devient un outil au service du même but. Que ce soit à coté de chez moi, ou à l’autre bout du monde, je continue à voir et à essayer de comprendre comment marche notre monde pour le montrer à ceux qui veulent bien le voir. Toujours intéressé par la diversité du monde, par de nouvelles rencontres, par les musiciens qui se fondent dans leur musique, par les vrais marins qui ont toujours une parole et par le fait que photographier c’est aussi jouer avec la lumière…
Voilà… je ne fais que passer.
Andrew McLEISH - Grandeurs et Décadences
Lors de la seconde guerre du Golfe, et plus récemment pendant les révolutions arabes, j’ai été fasciné par les photographies des différents palais de dictateurs déchus. Ces palais luxueux exhibent une richesse matérielle acquise sur le dos de peuples opprimés mais ils sont rapidement tombés en ruine suite aux pillages et saccages. La juxtaposition de ces lieux majestueux et des soldats jouant au basketball ou des gens se servant des meubles des palais rappelle toutes les révolutions des monarques et dictateurs qui ont été détrônés.
Grand nombre de dictateurs possèdent (ou possédaient) des fortunes et des biens immobilier à l’étranger, et c’est ainsi que je suis parti dans le sud de la France avec un Rolleiflex pour photographier la villa de Saddam Hussein, aujourd’hui abandonnée…
Jean-Manuel SIMOES - Le Triomphe de l’Arc
Comme tous les ans, c’est sur l’hippodrome de Longchamps que se déroule le prix de l’Arc de Triomphe. Sans doute la plus prestigieuse course de plat au monde. Pour le dernier grand prix de la saison 2011 de ce circuit international, le samedi 1er octobre et le dimanche 2 octobre, s’est déroulé pour la 90e fois ce rendez-vous annuel des turfistes et des élégances ostentatoires. Tout y était, même le soleil. En ce mois d’octobre, à Paris, il faisait plus de trente degrés: un comble, une anomalie climatique. Avec les moyens on peut tout acheter, même le beau temps. Vraiment tout ?
Vignette : © Andrew McLeish