Expositions du 21/09/2005 au 11/12/2005 Terminé
Musée Carnavalet 16, rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris France
Dans le cadre de l'année du Brésil en France, le musée Carnavalet présente les photographies de Marc Ferrez (1843–1923), né à Rio de Janeiro dans une famille d'origine française. Le visiteur est invité à embarquer pour un véritable voyage dans le temps, à destination d'un immense pays, à la fois vierge et en pleine construction.
Les 150 images exposées, tirages d'époque aux belles teintes brunes, ou épreuves modernes réalisées d'après les négatifs originaux, forment autant de miroirs d'une nation en mutation : aux luxuriants paysages emblématiques du « Nouveau monde » répondent les vues urbaines qui témoignent des profonds changements économiques et sociaux de la fin du XIXème et du début du XXème siècles.
A partir des années 1860, Marc Ferrez est un acteur essentiel de la scène photographique brésilienne. Comme photographe de la Marine impériale et de la Commission géologique de l'Empire, il parcourt différentes provinces du Brésil dans les années 1875-1876 et se spécialise dans la production de vues topographiques. Missionné pour des commandes publiques, il fixe avec des appareils parfois très sophistiqués, la construction des plus importantes lignes de chemin de fer ainsi que diverses activités de production, telles que les fermes de café et de canne à sucre ou encore les mines d'or de la région du Minas Gerais. Les œuvres exposées au musée Carnavalet sont le fruit de ces grands reportages commandées notamment par l'empereur Pedro II (1825-1891).
Outre son intérêt documentaire, l'œuvre de Marc Ferrez est reconnue pour son exceptionnelle qualité artistique. Sa maîtrise de la lumière et sa précision dans le choix du point de vue, mettent en valeur les aspects formels et abstraits de la composition. La figure humaine tient une place discrète mais sa présence invite le spectateur à parcourir l'image dans toutes ses dimensions et à prendre la mesure des paysages.
La longue carrière de Marc Ferrez lui a permis d'être un témoin actif de l'essor technologique de la fabrication des images. Il a pratiqué aussi bien le paysage que le portrait, la scène de rue, la photographie d'architecture, la photographie maritime, panoramique, stéréoscopique, et s'est investi dans les techniques d'avenir – la carte postale, le cinéma et l'autochrome.
Cette exposition est la première consacrée à Marc Ferrez en France, pays avec lequel il entretient des liens étroits puisqu'il y vécut une partie de son enfance et y revint régulièrement jusqu'à la fin de sa vie.
Suite aux précédents échanges avec de grandes métropoles, telles que San Francisco, Rome, Moscou, New York ou Shanghaï, le musée Carnavalet trouve dans cette exposition, l'occasion de jeter un pont entre Paris et Rio de Janeiro.
****************************************************
Le Brésil de Marc Ferrezpar Françoise Reynaud(extrait du catalogue)
Découvrir les côtes du Brésil des hublots d'un bateau à l'âge de quinze ans est une expérience inoubliable. Nous approchions de notre destination finale, Santos, le port qui dessert São Paulo, où j'allais vivre trois ans avec ma famille. Après un voyage de dix-sept jours, partis de Rotterdam en cargo néerlandais, nous nous trouvions assez loin de la baie de Guanabara, qui abrite Rio de Janeiro, pour qu'aucune construction ne soit visible. Je pensais aux Portugais, les découvreurs de cette côte. Ils avaient, en janvier 1502, cru trouver l'estuaire d'un gigantesque fleuve et avaient dénommé ce lieu : Fleuve de janvier. Je me disais que s'ils étaient arrivés à l'aube, à l'heure où nous longions la côte, ils avaient sans doute admiré le même paysage spectaculaire, baigné d'une lumière orangée auréolant les collines bossues et les pains de sucre, entre le bleu profond de l'océan et le turquoise d'un ciel virant au bleu pâle. Cette vision ressurgit de ma mémoire lorsque mes yeux scrutent les panoramas de la baie de Rio, photographiés au XIXème siècle par Marc Ferrez. L'épisode brésilien de mon adolescence me rend aujourd'hui, après une longue coupure de plusieurs décennies, particulièrement sensible auxpaysages et aux scènes urbaines de ce photographe, d'origine française et dont la France va enfin, grâce à cette première rétrospective, connaître l'ampleur et l'importance de l'œuvre.
Au XIXème siècle, Paris accueillit à deux reprises les photographies de Marc Ferrez, à l'occasion des Expositions universelles de 1878 et de 1889, ce qui valut au photographe des médailles. En 1885, il présenta ses œuvres à l'Exposition internationale de Beauvais. Étant donné ses relations et ses contacts avec la Société française de photographie et avec les professionnels de la production d'images en France, on peut estimer que Ferrez fut, en son temps, plus connu qu'on ne peut se l'imaginer aujourd'hui. L'histoire de ces échanges est en gestation, comme le prouvent les textes du présent catalogue. Si le XXème siècle ignora pratiquement Marc Ferrez en France, le XXIème siècle lui sera heureusement plus favorable.
En l'an 2000, fut organisée au Palais des Invalides, une exposition sur les fonds d'archives photographiques du ministère des Affaires étrangères français . Parmi les représentations de pays du monde entier, les vues du Brésil de Marc Ferrez furent une révélation pour le public parisien. Aux belles reproductions du catalogue illustrant cette exposition, j'ajoutai un peu plus tard à ma collection mentale d'images de Marc Ferrez, celles publiées par Maria Inez Turazzi, historienne brésilienne qui vint séjourner à Paris en 2001. Pour parfaire la savante biographie qu'elle avait écrite sur lui , il lui fallait poursuivre ses recherches dans les institutions françaises, en s'intéressant aux courants commerciaux, industriels et artistiques entre la France et le Brésil au XIXème siècle.
J'eusle privilège en 2004, d'admirer à Los Angeles, dans un imposant album du J. Paul Getty Museum, les épreuves superbement conservées de la campagne photographique que Ferrez mena dans les années 1875 et 1876 pour la Commission géologique de l'Empire du Brésil. Une telle enquête sur les formations rocheuses de différentes provinces du pays, fut dirigée par un géologue venu des Etats-Unis, Charles Frederick Hartt . Le photographe avait visiblement, autant suivi les étapes de la mission géologique qu'enregistré certains aspects du périple pour leur beauté pure. Les tirages albuminés, accompagnés de légendes en français, en portugais et en anglais, montraient certains sites caractéristiques, avec leurs couches de terrains particuliers, et des paysages grandioses, y compris le lever et le coucher du soleil sur le fleuve San Francisco, vus d'une hauteur. La splendeur de cet ensemble m'a permis d'attendre avec une grande expectative le plaisir de voir sur les murs du musée Carnavalet, les tirages originaux issus de l'atelier familial de l'artiste. Ce fonds appartenant maintenant à l'Institut Moreira Salles, fait la démonstration de la qualité et de la variété de la production du photographe.
L'année du Brésil célébrée en France en 2005, moment judicieusement choisi pour mettre au jour l'œuvre d'un maître de l'histoire de la photographie latino-américaine, prolonge une tradition de deux siècles. En effet, les liens privilégiés qui existent depuis le début du XIXème siècle entre le Brésil et la France sont ici renouvelés. La chute de Napoléon 1er avait provoqué après 1815, l'arrivée au Brésil de nombreux Français. Artistes et ingénieurs vinrent s'y établir, sollicités par la Cour brésilienne. Certains créèrent et dirigèrent l'Académie des beaux-artset l'Observatoire. Des techniciens français participèrent à la construction d'ouvrages d'art indispensables à l'expansion économique brésilienne - ponts, voies de chemins de fer et aqueducs - principalement dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
Le père et l'oncle de Marc Ferrez, tous deux sculpteurs venant de Paris , avaient rejoint la Mission artistique française à Rio de Janeiro en 1817. Ils devinrent professeurs à l'Académie des beaux-arts. Si il n'avait pas été orphelin si jeune, en 1851, Ferrez aurait-il fait toute sa scolarité dans la capitale française jusqu'à l'adolescence? On ne possède pas encore suffisamment d'éléments sur cette période, probablement cruciale pour lui. Toujours est-il que la perte tragique de ses parents l'a sans doute poussé à développer de précieuses connexions professionnelles et amicales. C'est à Paris qu'il vint en 1874, reconstituer l'équipement de son atelier photographique parti en flammes à Rio dans l'incendie de son immeuble l'année précédente. Il retourna en France assez régulièrement, et à la fin de sa vie y séjourna un certain temps. Des recherches approfondies dans les archives de sa famille permettront peut-être un jour de concrétiser l'histoire des relations entre son atelier, ses fournisseurs et ses nombreuses activités.
La personnalité de Marc Ferrez est réellement attachante. Son étonnant dynamisme, sa passion pour Rio, la ville où il naquit, son intérêt pour la construction de l'immense pays qu'il parcourt pour en enregistrer les différents aspects, son exigence de qualité et de modernité, en font le protagoniste de la scène photographique brésilienne, jusqu'à sa retraite au début du XXème siècle. Sa longue vie, de 1843 à 1923, concomitante de l'affirmation du Brésil comme grande nation sur le plan international, lui a permis d'être un témoin actif de l'essor technologique de la fabrication des images photographiques. Il a tout pratiqué, le paysage, le portrait, la scène de rue, la photographie d'architecture, la photographie maritime, panoramique, stéréoscopique,la micro-photographie, les procédésphoto-mécaniques, l'éclairage artificiel, les rayons X, la projection des images, et il s'est investi dans les techniques d'avenir – la carte postale, le cinéma et l'autochrome .
Il est probable que Marc Ferrez ait connu des photographes français, ou du moins leur production, en particulier grâce aux expositions nationales et internationales si fréquentes de son temps. On sait qu'à la fin de sa vie, il était ami des frères Lumière. Ses paysages peuvent se comparer à ceux des grands photographes français du XIXème siècle, tels ceux d'Edouard-Denis Baldus (1813-1889) qui réalisa des vues sublimes de villes, de campagnes et de bords de mer, d'Hippolyte Collard (1812-après 1887) qui photographia magistralement aqueducs et ponts, de Frédéric Martens (1806-1885) spécialiste incontesté de panoramas, de Charles Marville (1816-1879) photographe de l'ancien et du nouveau Paris, ou de Gustave Le Gray (1820-1884) dont les marines et les vues de forêts étaient célèbres. D'au moins une génération plus jeune que ces artistes, a-t-il pu profiter de leurs travaux, en rencontrer certains ou correspondre avec eux ? Les recherches futures permettront des hypothèses, sinon des certitudes.
Marc Ferrez a été bien plus qu'un artiste franco-brésilien, comme le démontrent ces contacts avec plusieurs pays d'Europe d'une part, d'Amérique du Nord et du Sud d'autre part. La nouvelle discipline de l'histoire de l'art photographique dépasse aujourd'hui l'étude pure des caractéristiques d'une école nationale, et permet de sepencher sur les rapports entre les différentes parties du monde. La publication de cet ouvrage contribue à établir cette nouvelle manière d'aborder l'œuvre d'un auteur.
**********************************************************************
COMMISSARIAT : Jean-Marc Léri, Conservateur en chef et Directeur du musée et Sergio Burgi, Institut Moreira Salles, Collections photographiques.
> Site de l'Institut Moreira Salles: http://www.ims.com.br/ims
CATALOGUE : "Le Brésil de Marc Ferrez (1843-1923)"
> Site du Musée Carnavalet : http://www.paris-France.org/musees/musee_carnavalet/accueil.htm
Entrée de la baie de Guanabara (effet de nuit), Rio de Janeiro, vers 1885
Épreuve d'époque, papier albuminé 21 x 46 cm
© Institut Moreira Salles
Musée Carnavalet 16, rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris France