Vocho Verde © Nicolas Comment, Mexico D.F., 2010
Sur les traces de trois ouvrages cultes, Tristessa de Jack Kerouac, Au dessous du Volcan de Malcolm Lowry et Les Tarahumaras d'Antonin Artaud, Nicolas Comment a vécu deux mois en résidence au Mexique.
À l'opposé d'une vision catastrophiste et attendue du Mexique, Mexico City Waltz rend hommage à la beauté et à la sensualité mexicaines d'aujourd'hui. On y croise trois jeunes femmes, « brunes comme une mûre » (Malcolm Lowry) qui sont de véritables héroïnes. À travers elles, c'est la ville de Mexico toute entière qui nous apparaît dans son intimité : comme si la mégalopole avait elle-même été mise à nu...
« Dans ce pays aussi riche et vaste qu’est le rêve, il me fallait donc chercher un guide. Un guide non pas "touristique" mais "spirituel". Et j’en ai trouvé trois. Le premier m’a été conseillé par mon ami Bernard Plossu (photographe français auteur du Voyage Mexicain) qui m’a enjoint de lire le fameux livre de Malcom Lowry Au dessous du Volcan. Ouvrage sidérant qui m’a ouvert la porte d’un Mexique énigmatique et magique qui m'a littéralement "reversé de l’autre côté des choses" (Artaud). Le voyage semblait débuter là et j’ai alors commencé à prendre des notes et à inscrire des points sur une ligne, ce qui m’engagea vite à suivre les traces du Consul de Lowry à Cuernavaca.
J’ai donc fait ma petite enquête, scrupuleusement noté les lieux et les adresses, compulsé des bréviaires et sites internet labyrinthiques quand, tout à coup, je me suis soudainement retrouvé au 210 rue d’Orizaba à Mexico, juste en face de la maison des beats et de Jack Kerouac. Tristessa m’y attendait et je fus, une nouvelle fois, sidéré de découvrir qu’il s’agissait presque du même livre. En fait, la solution se trouvait dans un troisième ouvrage où Antonin Artaud ne cessait lui aussi de répéter : « Les choses ne sont pas telles que nous les voyons et que nous les ressentons », « le même charme intelligent se répète », « la nature obstinément manifeste la même idée » (Les Tarahumaras).
J’avais compris que l’essentiel de mon travail se tiendrait là : j’allais avoir à faire à une "montagne de signes" qu’il me faudrait savoir arpenter avec mon appareil photographique pour avoir une chance de voir à quoi ressemblait le Mexique d’aujourd’hui. Ces trois livres et ces trois auteurs allaient donc m’y aider et me servir de guide. En mettant mes pas dans leurs pas, j’allais peut-être enfin pouvoir comprendre quelque chose de ce pays où je n’ai – soit dit en passant – jamais mis les pieds. Car, j’ai eu beau feuilleter des dizaines de livres, scruter les photographies d’Edward Weston, de Paul Strand, de Graciela Iturbide, d’Henri Cartier-Bresson, de Manuel Alvarez Bravo... ainsi que celles de la jeune photographie mexicaine, j’ai, très franchement, la certitude de n’avoir encore rien vu.
Mon projet est donc très simple : là où ces trois auteurs majeurs ont écrit, je me propose moi, humblement, de photographier. Ainsi, au lieu de m’imbiber de drogues comme l’ont fait ces trois poètes visionnaires, c’est de littérature que je serai imbibé. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois : depuis longtemps, des textes me portent, me poussent même à photographier.»
Propos : Nicolas Comment
Vignette et images : © Nicolas Comment