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Sous un soleil printanier qui annonce l'heureux retour de l'été, photographes et professionnels du secteur s'activent. Ils profitent de la pause du repas pour discuter librement et comme s'ils se connaissaient depuis toujours, se taquinent « Ah , enfin un photographe qui sait faire du café ! ». La joie avant les hostilités.
Dans la salle des fêtes de la Fondation Lapôtre-Biermans, à Paris, on ouvre la table-ronde de ce congrès annuel de l'Union des Photographes Professionnels. Son sujet ? Le photojournalisme.
Face à l'assemblée des professionnels réunis dans le public sont installés Jean-Manuel Simoès, photographe de presse, Marie-Pierre Subtil, directrice de la revue 6 mois (que nous avions déjà rencontrée : http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-ra%EF%BF%BDdactrice-en-chef-de-6-mois.html">http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-ra%EF%BF%BDdactrice-en-chef-de-6-mois.html),), Jacques Hémon, directeur de l'Observatoire du Photojournalisme, Wilfrid Esteve, président de Free Lens et membre de l'Observatoire du Photojournalisme, Alexandre Sicault, fondateur de la revue Yards et Gilles Codina photographe qui endosse le rôle de modérateur.
Jacques Hémon réexplique la fonction de l'Observatoire du Photojournalisme, lancé à la création de la mission pour la photographie, en 2009. Il rappelle le contexte : le photojournalisme semble voué à disparaître. Alors que la presse est en crise, les commandes manquent cruellement. Mais Wilfrid Esteve tient à rappeler que le milieu n'est pas pour autant fermé : aujourd'hui « la photo est partout » et la France jouit d'une valorisation et d'un savoir-faire importants. Pour les photographes il faut donc produire du photojournalisme sur des plateformes complémentaires à l'image d'Internet, des « mooks » (hybride entre le magazine et le book) ou la BD en photo.
A ce problème des marchés et de la difficulté de vivre de son métier, Jean-Manuel Simoès énonce un autre souci rencontré par la profession, qui lui semble primordial : celui de la reconnaissance. Pour lui, « le photojournalisme n'existe pas », car il n'est pas demandé aux photographes de produire un travail journalistique. Rejetés au rang de producteurs d'images, les photographes n'ont pas à partager les conditions de leurs prises de vues, les pensées et le savoir accumulés qui accompagnent leurs instantanés. Comme l'a justement souligné un des intervenants dans l'assemblée, et comme le promeut Marie-Pierre Subtil dans sa revue, le travail des photojournalistes est l'objet de réflexions comprises avant tout à l'échelle des reportages. L'essence de ces séquences complètes est en effet de faire réfléchir, faire voir à travers une narration photographique. Le web se présente alors comme la chance des photojournalistes qui désirent présenter un ensemble cohérent de photographies.
Au milieu du tumulte de la salle, un photographe prend la parole. En l'honneur de leurs confrères morts dans l'exercice de leurs fonctions (Rémi Ochlik, Gilles Jacquier, Lucas Dolega), il demande à ce qu'une minute de silence soit respectée. Avant que le débat ne reprenne de plus belle.
Avant de clore la table-ronde, le thème de la gratuité des photographies offertes aux grandes structures par les photographes amateurs, notamment par le biais de concours, est abordé brièvement. Inconscients de l'impact de leur geste sur le milieu du photojournalisme et plus généralement de la photographie, ils sont présentés comme un danger pour la profession. Alors que Jean-Manuel Simoès est applaudi par l'auditoire quand il demande à ce que « les amateurs cessent de payer pour travailler », Wilfrid Esteve insiste sur la nécessité d'une sensibilisation des photographes à ces problématiques.
Entre intervenants invités et professionnels venus dans l'inquiétude quant à l'avenir de leur profession, la séance est close quelque peu précipitamment pour laisser place à la table-ronde suivante : « statuts et protection sociale du photographe ». Un autre sujet d'appréhension...
Aurélie Laurent, le 9 mars 2012.