© Josef Hoflehner
Zen, c’est le mot qui vient à l’esprit quand on se plonge dans l’univers du photographe Josef Hoflehner. Ses paysages sont à l’image de l’homme qu’il est : timide, silencieux, posé. Rien d’étonnant alors que sa technique de prédilection soit la longue exposition. Une technique qui oblige à prendre son temps, à comprendre les saisons, la lumière, le vent, le mouvement des nuages, à les anticiper. À être en communion avec le paysage, en quelque sorte. Aux quatre coins du monde, à l’heure où le jour bascule, Josef Hoflehner capture sur la pellicule des tranches d’infini, et grâce à une formidable maîtrise des dégradés, nous livre la vision d’un univers au ralenti.
Sa fidélité indéfectible au format carré et au noir et blanc, souvent associés à la longue exposition, a pu être jugée comme de la facilité, et il a certainement souffert de la ressemblance de son approche technique avec celle employée par d’innombrables autres photographes paysagistes, dont le plus connu est sans conteste Michael Kenna. Pourtant, dans ses images, point de facilité. Josef Hoflehner fait au contraire preuve d’une exigence immense, prenant entre dix-huit mois et deux ans pour compléter une série. Il n’accepte jamais d’images « moyennes », ce qui transparaît quand on parcourt son portfolio. Cet artiste suit ses envies, et arrive à innover malgré le carcan technique qu’il s’impose. Ainsi, dans des récentes séries, il a exploré d’autres univers, comme dans « Jet Airliner » : des images spectaculaires d’avions atterrissant et décollant à l’aéroport Princess Juliana de l’île franco-néerlandaise Saint-Martin aux Antilles (un aéroport qui possède une piste très courte, obligeant les pilotes à une approche à dix ou vingt mètres au-dessus de la plage !). Dans ces images fortement contrastées, tout est là pour nous rappeler le vacarme assourdissant que produisent les humains, dans la conquête de l’espace qui les entoure.
Au-delà d’une technique parfaitement maîtrisée, et de rendus somptueux, les images que produit Josef Hoflehner nous invitent en effet à la réflexion. Avec la longue exposition, ce dernier capture un moment de vie de ces paysages, compressant dans un regard quelques secondes de l’infini. Le temps est alors lissé, l’humain éphémère disparaît, seuls restent les éléments que la Nature berce ou agite au gré des vents, et les constructions humaines qui elles aussi finiront par subir les assauts du Temps. Les images de Josef Hoflehner sont le plus souvent silencieuses, paisibles, comme une longue caresse sur le film photographique, et nous poussent aussi au silence, pour faire taire un instant nos dialogues intérieurs. En ce sens, une des images les plus emblématiques de ce photographe est peut-être « Mangrove Tree » prise au Vietnam. À l’arrière plan, une barrière qui ponctue la scène comme des pointillés. Devant, un arbre isolé, prisonnier de flots que la longue exposition a figés comme un écrin de glace, et qui se dresse à la manière d’un point d’interrogation. Quand l’Homme n’est plus, la Nature reprend ses droits, mais elle doit composer avec ce que lui a laissé cet habitant vorace. Quand Josef Hoflehner photographie la ville, elle devient fantôme : lumière intense et diffuse, ombres fugitives. Vision post-apocalyptique mais curieusement reposante. Les bruits humains s’annulent entre eux, le Temps est distendu, l’Homme n’est rien face à l’Infini qui se meut en silence. Telles des Haïkus, ces courts poèmes japonais qui livrent en quelques mots l’essence d’un instant, les photographies de Josef Hoflehner reviennent à l’essentiel, à l’indispensable.
Texte : © Sophie Tomte, Rédactrice du magazine Azart Photo
Vignette : © Josef Hoflehner