Mina Negra, Wilber01 © Loic Venance
Cinéma des cinéastes 7 avenue de Clichy 75017 Paris France
L'exposition MINEROS, organisée avec le soutien de la région Ile-de-France à l'occasion du 29e Festival International du Film d'Environnement (Fife) du 7 au 14 février 2012 :
« Je suis la riche Potosi, le trésor du monde, la reine des montagnes et la convoitise des Rois » - Epitaphe tirée du premier blason de la ville, attribuée à l’empereur Charles Quint.
« En 1573, 28 ans seulement après que la ville ait surgit des hauts déserts andins, elle avait déjà la même population que Londres, et plus d’habitants que Séville, Madrid, Rome ou Paris. C’était une des villes les plus grandes et les plus riches du monde. (...) Aux XVIe et XVIIe siècle, la riche colline de Potosi fut le centre de la vie coloniale américaine. Et en trois siècles elle avait anéanti huit millions de vies humaines » - Eduardo Galeano in Les Veines ouvertes de l’Amérique Latine
La première fois que je suis arrivé à Potosi, Bolivie, j’ai été choqué de ne pas en connaître l’histoire, pourtant intimement liée à la nôtre, en Europe. Potosi et sa montagne d’argent, qui pendant des générations a nourri, enrichi mais surtout anéanti. Celle qui fût la plus grande mine du monde a englouti des millions d’hommes, femmes et enfants entre les éboulements, la silicose et l’exploitation impitoyable par les colons des indiens Quechua, Aymara et des esclaves noirs qui extrayaient le précieux minerai dans des conditions effroyables, à près de 4500m d’altitude. Aujourd’hui les filons d’argent sont quasiment épuisés, et ceux d’étain et de zinc sont beaucoup moins prolifiques que les siècles passés, mais chaque matin, des camions déchargent par milliers les mineurs qui travaillent toujours dans les centaines de mines qui transpercent le Cerro Rico, la “montagne qui dévore les Hommes”, pour une poignée de bolivianos hebdomadaires.
A chaque descente il s’en remettent au Tio, le diable que l’on ne peut nommer mais que l’on honore toutes les semaines lors des Challas : le vendredi après midi les mineurs d’une même coopérative se rassemblent sous terre et mâchent plus de coca, la petite feuille verte qui aide le corps à encaisser fatigue et douleur, et boivent plus d’alcool, souvent du “puro” à 96°, que d’habitude. Jusqu’à sortir ensemble la nuit déjà tombée en une file indienne ivre et titubante. Il faut peut-être cela pour supporter les conditions extrêmes dans lesquelles ces forçats du sous-sol sont condamnés à travailler. La température qui passe de 5 à 45°C au gré des galeries ; la poussière aveuglante et meurtrière qui brûle les yeux et condamne à la silicose ; les chariots qu’il faut pousser à la force des bras dans la crainte de les voir se renverser sur un collègue ou soi-même, parce qu’un morceaux de rail abimé ou manquant a été remplacé par un bout de bois ; l’arsenic qui transpire des parois ; les cheminées d’accès ou l’on descend et remonte à l’aide d’une simple corde ou d’une échelle de bois brinquebalante... Mais surtout le travail en lui-même, effectué le plus souvent sans protection et à l’aide d’outils rudimentaires. « Nos mains restent notre principale force de travail », explique Jose Mamani, manoeuvre de 28 ans... Ces photographies ont étés prises à lumière des lampes frontales, dans les mines Candelaria, Negra, San Juan et Robertito Composi entre 2004 et 2007.
Loïc Venance
Loïc Venance est né à Paris en 1975. Après des études de Communication à l'université, il s'oriente vers la photographie et intègre l'Ecole de l'Image (Gobelins). Diplôme en poche, il rejoint le service Photo de l'Agence France Presse en 2001 pour lequel il couvre de nombreux événements tant en France qu'à l'étranger. Parallèlement, il mène une carrière de photographe indépendant dans laquelle il s'intéresse plus particulièrement au reportage social (Bidonvilles de Delhi, Oasis du désert Lybique, mines d'argent de Potosi et "cocaleros" dans les Yungas en Bolivie, ou réfugiés birmans en Thaïlande), ce qui ne l'empêche pas de faire quelques incursions dans d'autres domaines comme le cinéma (photographe de plateau sur le long métrage "La Double Croisée" de Jean-Charles Atzeni) ou la publicité (pub télé Swisslife, 2009).
Via l'AFP son travail a été publié dans la plupart des quotidiens et magazines en France (Libération, le Monde, le Parisien, l'Express, le Nouvel Observateur, Paris Match...) et à l'étranger (El Mundo, International Herald Tribune, The Guardian, ...). Son travail personnel a fait l'objet de diverses expositions, diffusions dans la presse magazine (Géo, la Clave...), et de la publication des livres Delhi, une école dans un bidonville (en collaboration avec Jean-Michel André, Ludovic Caillère et David Desalleux, édité par Partir et Agir, 2002) et Mineros (préface de Bernard Noël, Ypsilon-éditeur, 2010). En 2011, sa série de panoramiques N&B sur le camp de réfugiés birmans de Mae La en Thailande, a été publiée dans la revue pluri-disciplinaire semestrielle Gruppen. Loïc Venance est membre du collectif Hors Cadre, qu'il a rejoint en 2004.
© Texte et visuels : Loïc Venance