Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg Sur le tournage d'A bout de souffle Paris, 1959 © Polka Galerie
Chronique de l'exposition :
Deux expositions qui se jouent de nos idées préconçues. Un travail qui veut emmener le visiteur plus loin. La galerie Polka nous offre deux artistes, deux angles de capture de l'instant. Entre la dualité de la Chine d'Alexander Gronsky et les scènes de théâtre de la vie de Raymond Cauchetier, le voyage commence.
Une cour et un étage plus bas après l'exposition d'Alexander Gronsky (http://actuphoto.com/20820-mountains-waters-par-alexander-gronsky.html), changement de décor : place à la première présentation des travaux de Raymond Cauchetier en France, en écho à la présentation dans une galerie américaine de son travail sur la Nouvelle Vague, à l'occasion de la cérémonie des oscars à Los Angeles. Des photos mythiques mais pas toujours identifiées, qui retrouvent ici un auteur. Artisan méconnu des plus célèbres clichés sur la Nouvelle Vague, Cauchetier a côtoyé les plus grands acteurs et metteurs en scène de l'époque. Né en 1920, il fut photographe de plateau à partir de 1959, pendant plus de 10 ans, et le premier à s'accorder la liberté de capter les acteurs et ces moments en dehors du tournage, comme un reportage. Comme ce cliché de Belmondo et Jean Seberg descendant les champs Élysées, présenté à tort comme une scène du film A bout de souffle, alors qu'il s'agissait d'un moment de pause sur le tournage. « Il fut le premier à ne pas faire de photos de commande, de promotion, souvent réalisées à la fin d'une scène », indique Jean-Kenta Gauthier, directeur des ventes de la Polka Galerie.
Cet œil de reporter, Raymond Cauchetier le tient de sa formation de reporter photographe dans l'armée de l'Air, présentée dans la seconde partie de l'exposition. Il y immortalise les hommes et les batailles, dont celle de Diên Biên Phu. Couvrant la guerre d'Indochine jusqu'à sa fin en 1954, Cauchetier restera encore cinq ans à sillonner l'Asie du sud-est, au Vietnam, Cambodge et Laos. En reviennent des portraits de vies et de paysages qui, plus de cinquante ans après, gardent la même force et qualité. « Cauchetier réalisait ses photos en format 6x 6 (carré), ce qui permet, en l'absence de tirage d'époque, d'avoir pu refaire ces très beaux tirages avec un piqué et un détail de très bonne qualité », précise Jean-Kenta Gauthier. C'est aussi là que le photographe va percuter le monde du cinéma. Grâce à sa rencontre avec Marcel Camus au Vietnam, qu'à son retour à Paris, il découvre les plus grands protagonistes de la Nouvelle Vague. Truffaut, Godard, Melville : une « bande de copains, dont l’énergie et le dynamisme ont probablement séduit Raymond Cauchetier ». Peut-on alors voir une porosité entre cette période cinématographique et le travail de l'artiste ? « Cauchetier répondrait probablement qu'il n'était pas artiste mais témoin », indique encore Jean- Kenta Gauthier. « Ce sont de simples instants saisi, sans narration d'un film ni séquences ».
Cette Nouvelle Vague était certes pleine de fraîcheur et d'improvisation, influençant peut-être Cauchetier, mais c'est son passage préalable à la photographie de guerre qui a forgé son œil, un œil en alerte capable de saisir des instants dans toutes les situations, de Diên Biên Phu aux plateaux de cinéma. « Mais il n'était pas cinéaste, il ne réalisait pas de films », conclut M. Gauthier. Raymond Cauchetier, photographe de plateaux pendant près d'une décennie, mit fin à sa carrière de photographe après cette époque.
Mathieu Brancourt, le 30 janvier 2012.
Raymond Cauchetier (Paris,1920) photographe incontournable de la Nouvelle Vague, fut également grand reporter durant la guerre d’Indochine. A la fin du conflit, Raymond Cauchetier reste au Cambodge et rencontre par hasard, en 1956 Marcel Camus, qui l’invite à suivre le tournage de son film réalisé dans le pays. Cette rencontre avec le 7e Art marque le point de départ d’une prestigieuse carrière de photographe de plateau.
« Les photographies de Raymond Cauchetier sont, en elles-mêmes, des œuvres centrales de la Nouvelle Vague » Richard Brody, in Aperture Magazine #197, 2009
Raymond Cauchetier est l’auteur du célèbre cliché de Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg descendant les Champs-Elysées pendant le tournage d’A bout de souffle. Il se souvient : « Ce qui est bon pour le cinéma ne l’est pas forcément pour la photographie. Alors, pour cette photo, j’ai préféré emmener les comédiens en bas de l’avenue pour rejouer la scène. C’est une première ; seuls les professionnels savent que cette photo n’est pas une photo de film ». Il poursuit : « Quand j’ai compris que j’assistais à une révolution du cinéma, j’ai fait du reportage sur le film ».
La galerie Polka expose pour la première fois en France les photographies de Raymond Cauchetier. Aux côtés de ses célèbres clichés, la galerie présentera ses travaux sur l’Indochine, Saigon et Angkor. Deux univers liés car l’un a permis l’autre. Ayant incarné la Nouvelle Vague, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (Ampas) présentera une exposition de 125 tirages de Raymond Cauchetier à Los Angeles après la cérémonie des Oscars 2012.
Pierre Schoendoerffer à Diên Biên Phú, Vietnam, 1954 © Polka Galerie
© texte : Polka Galerie