© Ed Templeton
La rédaction d'Actuphoto a été divisée par le livre d'Ed Templeton, Forays into Non-Celluloid Instant Gratification. Un format singulier, des images sans concession, qui n'ont pas plu à tous : nous vous présentons donc le point de vue d'Alexandra Lambrechts et d'Antoine Soubrier, qui se complètent sur le sujet !
Forays into Non-Celluloid Instant Gratification. « Incursions dans des instants non-celluloïd de satisfaction ». Un titre incompréhensible* aussi inaccessible à mes yeux que le contenu du livre. Dans un format micro minuscule et très fin, (28 pages), on n'a franchement pas grand chose à se mettre sous la dent. Vingt-quatre photos, des photos « trash », dénuées de sens et prises, de mon point de vue, sans aucune considération esthétique et sans aucune réflexion. Mais qu'est-ce que le photographe a voulu nous dire ? A-t-il voulu choquer, interpeller, indigner ? La réponse restera mystérieuse et non élucidée.
On pourra regretter l'absence de cohérence du livre ; la première photo est un cliché de pellicules argentiques, parfaitement alignées... Quoi de plus banal pour un photographe que de photographier son stock de pellicules ! S'enchainent ensuite des portraits, des gros plans, des contre-plongées. Ed Templeton photographie les dents de lait d'un garçon sur le point de tomber, puis, en contre-plongée, il capture l'image atroce du « mont de vénus » autrement dit un pubis féminin. Tatouage, cicatrice, peau brûlée, adolescent qui joue au jeux vidéo, voici le contenu de Forays into Non-Celluloid Instant Gratification.
© Ed Templeton
Limité à 240 exemplaires signés par le photographe, les fans de Ed Templeton seront probablement ravis, ce qui ne sera pas le cas pour tous les lecteurs. Pour ma part, le photographe ne m'a absolument pas convaincu. Ses photographies ne dégagent rien chez moi, aucun sentiment, aucune beauté. Après avoir visionné une première fois le livre je me suis sentie en décalage total avec son contenu, à la deuxième lecture, j'ai eu l'impresssion d'une grande déception, et à la dernière relecture, j'ai conclu que c'était un travail bâclé, qui ne méritait pas d'être félicité. Le photographe aurait pu au moins justifier son travail et apporter une réponse au pourquoi du comment.
Alexandra Lambrechts.
© Ed Templeton
On entre dans le livre d'Ed Templeton comme dans un flipbook, et c'est ce qui nous a d'abord intéressé, avant de l'avoir en main, dans cette dernière publication de l'éditeur Média Immédiat. Quel rapport construire avec son public quand les images s'enchainent si vite, en si petite taille, et que le livre est limité à 240 exemplaires signés ? En soi, Forays into Non-Celluloid Instant Gratification est déjà révélateur d'un état de la photographie, omniprésente et anodine, mais dont on veut malgré tout croire en la capacité d'isoler des moments et de les partager avec un cercle restreint.
Se catapultent donc des extraits de la vie d'Ed Templeton, vus, comme l'indique la couverture, pas plus loin que le bout de son nez ; des proches, Miranda July, des lieux et des objets, des contre-plongées sur des fesses sans culotte, bref le périmètre immédiat du photographe. Trash en apparence, avec le spectre de Nan Goldin, Larry Clark (une double page orangée, l'intérieur d'une chambre de jeune homme) et d'autres plus contemporains en tête, les images font pourtant preuve d'un art du cadrage et de la saisie de l'immédiateté. Sans être retenu par toutes, on repense aux Images à la Sauvette de Cartier-Bresson, dosées au millimètre dans leur composition... Les flashs d'Ed Templeton sont-elles les images à la sauvette d'aujourd'hui, alors qu'on doute de la sincérité de l'image en général et qu'un flot visuel ininterrompu remet chaque jour leur valeur en question ?
© Ed Templeton
Légèrement rebuté par ce qui ressemble parfois à de la provocation à peu de frais, on risque de vite oublier le livre d'Ed Templeton. Mais a-t-il un autre objectif que de disparaître immédiatement ?
Antoine Soubrier, mercredi 7 décembre 2011.
* Il s'agit en réalité d'images prises avec un appareil compact numérique depuis cinq ans, l'auteur étant normalement un habitué de l'argentique, ndlr.
Editeur Média Immédiat. Pour en savoir plus : http://media-immediat.blogspot.com/2011/11/signed-copies-of-ed-templetons-mini.html