Un climat délétère règne depuis les dernières semaines sur les agences de photographie de presse françaises. En juillet dernier, Sipa était rachetée par l'allemande DAPD, qui annonçait vouloir concurrencer l'AFP en recrutant des rédacteurs (http://actuphoto.com/19426-reprise-par-l-allemand-dapd-sipa-ne-s-arretera-jamais-.html). Quelques semaines plus tard, disparaissait Göksin Sipahioglu, fondateur historique de Sipa (http://actuphoto.com/19898-deces-du-geant-goksin-sipahioglu-fondateur-de-l-agence-sipa.html).
Le mercredi 9 novembre, un représentant syndical d'Associated Press France indique à l'AFP que sa direction est "en négociation avec DAPD". La deuxième agence allemande a clairement affiché, depuis le départ, ses intentions de concurrencer l'AFP, avantagée à ses yeux par les abonnements publics. L'idée d'une reprise par DAPD d'AP France et de ses 57 salariés fait donc son chemin, ce qui irrite au plus haut point l'intersyndicale de l'entreprise : « Aujourd’hui, la direction d’AP-France croit pouvoir céder le service français et ses salariés à un repreneur allemand, DAPD-Sipa, sans leur demander leur avis, sans leur laisser le choix d’y aller ou pas, sans réparer le préjudice causé par ces quatre années de souffrance. ». La rédaction d'AP France s'est d'ailleurs formellement opposée à ce projet de cession dans une motion déposée le 27 octobre 2011.
Le 15 novembre, le transfert d'Erik Montjalous, ancien Group sales and marketing director de l'AFP vers SIPA jette de l'huile sur le feu. Le personnel de l'AFP, par la voix de ses représentants de la CGT, se sent directement attaqué, et s'indigne que «la direction de l'Agence s'avère incapable de préserver les intérêt de l'entreprise, et donc de ses personnels (...) Dans tout contrat d’embauche au service commercial figure une clause de non-concurrence. Qu’en est-il pour le premier responsable de la stratégie commerciale et marketing de l’agence ? Est-elle en vigueur ou bien a-t-elle été levée avant son départ ?». Elle menace d'interpeller directement le PDG de l'agence, Emmanuel Hoog, lors d'un prochain comité d'entreprise.
Erik Monjalous © 2008 Bertrand Guay / AFP
Le 29 novembre, Pierre-Yves Glass, patron de l'AP France, réunissait son personnel. La veille, l'intersyndicale de l'agence avait fait de même, cherchant à arrêter une position commune au cas où serait annoncé la cession à l'agence DAPD (qui a déjà racheté les bureaux allemands, autrichiens et suisse de l'AP). Le lendemain, la rédaction d'AP France adressait une lettre ouverte à Martin Vorderwuelbecke, ou s'inquiétant de l'option d'une cession, elle exprimait son désir de voir privilégiée «une procédure qui permettra à chacun d'avoir le choix de vous rejoindre ou pas, et ainsi que d'obtenir des indemnités à la hauteur du travail fourni et des souffrances endurées».
La pression exercée par DAPD semble opérer un changement en profondeur au sein des agences de presse françaises. Après avoir perdu un leader romantique en la personne de Goskin Sipahioglu, elles paraissent exposées à des pressions économiques irrésistibles. Pour de meilleurs lendemains ? La moitié des 34 licenciés de Sipa Press prépareraient en ce moment leur recours devant les tribunaux. Pas de trève en vue pour le moment, donc.
Antoine Soubrier, le 2 décembre 2011.