© Thomas Mailaender
Galerie Bertrand Grimont 203 bis rue Saint Martin 75003 Paris France
Thomas Mailaender est souvent présenté comme photographe, mais pour être plus précis il est davantage un dilettante de l’image et un archéologue du présent, par sa pratique de « l’appropriationnisme » (« l'appropriationnisme, » apparu aux États-Unis dans les années 70, est un terme qui évoque la pratique de la «rephotographie »: la copie photographique de photographies existantes..) digital et analogique. Depuis quelques années, il alimente une banque d’images, telle une collection des pires images de tous les temps.
Entre rire, dégoût, marginalité et étonnement, ces images farfelues ne laissent pas indifférents. Il ne se cantonne pas à mettre en abîme le vertige et la nausée des images, il met aussi en relief le sens de l’absurde des individus, la richesse d’un langage vernaculaire et d’une poésie accidentelle. Il les stocke, les classe, les digère... Et les régurgite, par le montage, le dessin sur le tirage, l’incrustation dans une matière, l’agrandissement, ou encore le vis-à-vis avec divers objets.
Les trois grandes jarres en céramique émaillées et impactées de transferts photographiques, Handicraft (2010), proposent une forme possible d’archéologie contemporaine. Elles portent à la postérité des images du net, conçues comme éphémères et souvent perçues comme anecdotiques.
Chicken Museum, exposée au Théâtre de la Criée à Marseille en 2010 et cet été aux Rencontres d’Arles est un accrochage rudimentaire d’images du net, le visiteur regarde des poules empaillées qui regardent ces photographies à la fois triviales, loufoques, drôles et poétiques. Ce poulailler « muséifié » nous rend spectateur de notre attitude face aux flots des images en tout genre et à notre comportement dans l’institution muséal. Au sous-sol de la galerie, on en découvre les vestiges de leur dernière exposition arlésienne. Les poules et la paille ont disparu, comme si les images étaient en repos, comme stockées dans une réserve, ainsi les images prennent la forme de stèle et acquiert une certaine autonomie.
Les touristes (2011) est une série de tirages sur albumine, sur lesquels Thomas Mailaender a dessiné à l’encre noire, un des attributs les plus caractéristiques du touriste contemporain: les lunettes de soleil. Les photographies originales ont été réalisées par les frères Alinari. Leur studio de Florence, fondé en 1852, était spécialisé dans la reproduction de sculptures antiques. Par ce geste décalé et discret, on comprend que le touriste n’est pas celui qui regarde.
En parcourant de manière transversale l’ensemble de ses oeuvres, il est saisissant de constater comment Thomas Mailaender parvient avec humour et poésie à restituer des moments ordinaires de la vie en les transformant en monuments spectaculaires et improbables.
Charline Guibert
«No pain, non gain», impression lambda 30x40cm 2010.
«Appolo di Belvedere», série intitulée Les touristes,tirages albuminés fin 19 ème réhaussés à l’encre, 24x18cm, 2011
Vignette et images : © Thomas Mailaender