A l'heure où les nouveaux modèles de diffusion de l'image semblent menacer chaque jour un peu plus la photographie professionnelle, une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris parait aller à contre-courant.
C'est un communiqué de l'Union des Photographes Professionnels, association de défense des photographes habituée aux joutes juridiques, qui révèle l'affaire (http://www.upp-auteurs.fr/actualites.php?actualite=611). Un photographe français (désireux de garder l'anonymat), découvre en 2009 que 186 de ses photos, réalisées dans le cadre d'une commande corporate, sont consultables et téléchargeables sans son autorisation sur le site Flickr - propriété de Yahoo!. Les images ne font même pas mention de son nom, mais d'un pseudonyme erroné. D'après Olivier Brillanceau, directeur général de la SAIF (Société des Auteurs des Arts Visuels et de l'Image Fixe) contacté par Actuphoto, il semblerait que le photographe n'ait aucune idée du « comment » de la fraude, peut-être commise par le commanditaire lui-même ou par un maillon de la chaîne de production.
Il décide alors de s'adresser à Yahoo!, et demande le retrait de ses fichiers numériques dans les plus brefs délais. Peine perdue; le moteur de recherche se protège derrière la Loi sur la Confiance dans l'Economie Numérique (LCEN, 2004) qui restreint la responsabilité des hébergeurs à une surveillance générale des contenus internet. Il s'appuie alors sur la SAIF, dont il est adhérent, pour maintenir la pression sur le portail de recherche américain. Une deuxième lettre et un courrier d'avocat mettent un terme à la passivité de Yahoo !, qui supprime les œuvres quelques semaines après réception des courriers. Mais le temps de réaction du géant américain est jugé trop long par le photographe ; sur les conseils de la SAIF, il intente une action en contrefaçon.
Dans son jugement du 14 octobre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris considère qu’il appartenait à Yahoo « de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires en vue de retirer promptement les contenus manifestement illicites, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait dès lors que trois semaines se sont écoulées entre la notification et le retrait ». et condamne l'entreprise, pour contrefaçon et violation du droit moral de l'auteur, à verser 19 000 euros au photographe. « C'est bel et bien le refus réitéré de l'hébergeur de supprimer l'oeuvre du photographe qui a permis le succès de l'affaire. » nous confie le Directeur Général de la SAIF.
La décision du tribunal apparaît comme un gage d'optimisme dans le monde de la photographie professionnelle : les droits du photographe semblent avoir finalement été respectés. Elle pose également la question de la responsabilité des hébergeurs quant au respect des droits d'auteur, dans un univers numérique où l'absence de régulation semble parfois être la norme.
Lise Ménalque, le 2 novembre 2011.