Maison de la Photographie de Lille 18, rue Frémy 59000 Lille France
Toute l’histoire de l’art a été traversée, sous des formes diverses, par ce thème récurrent de la « vanité » puisqu’il met en scène l’homme face à la conscience de sa mort « mémento mémori » ( souviens toi que tu vas mourir). Philosophes, religieux, repentants ont été représentés, dans des postures souvent méditatives, confrontés à un crâne humain dans l’intimité d’une atmosphère de recueillement. Voir le Saint Jérôme peint par Le Caravage, la Madeleine pénitente peinte par Georges De Latour, celle de circonstance, la Vanité aux instruments d’astronomie de Christian Van Thum et celle profondément spirituelle de Saint François d’Assise peinte par Francisco Zurbaran. Il convient également de citer le crâne couvert de diamants , « for the love of God » de l’artiste contemporain Damien Hirst qui a récemment interrogé la valeur spéculative de l’art. Ce thème quelle que soit l’époque interroge, toujours avec la même diversité d’approches, les créateurs. Il s’inscrit dans le contexte culturel de l’actualité et en devient un témoin révélateur, miroir d’une société.
Le projet, Observatoire des Vanités, se situe, ici, dans un contexte très spécifique, celui de l’Observatoire de Paris. Il consistait à inviter les différents acteurs de ce site mais aussi les nombreux intervenants et visiteurs de passage à se confronter à ce thème qui est apparu insolite, provocateur, dérangeant, parfois séduisant, mais certainement loin d’un univers terrestre que la nostalgie rendrait triste de perdre…
A la suite de la libération d’un atelier d’artiste j’ai conservé le désordre des objets abandonnés dont l’hétérogénéité m’est apparue porteuse de sens dans la mesure où elle exprimait l’image d’un univers qui aujourd’hui apparaît soumis constamment à des télescopages de genres, d’idées, d’actions, de sens. J’ai installé au centre de la pièce une colonne afin de porter et mettre en scène le crâne à hauteur de main. La colonne est un isolateur de haute tension récupéré qui prend sens par son origine liée à la technologie des énergies. Peut on y percevoir une métaphore de la mort comme une rupture de cette transmission d’énergie avec la réalité vécue de ce monde actuel…. même si celle ci, offerte au visiteur, dans sa scénographie éclatée, relève plus d’un chaos annoncé.
Ici la photographie en tant que technique de création procède essentiellement de l’enregistrement, du constat, de la capitalisation des passages, des postures, des choix scénographiques. Elle refuse « l’instant décisif » pour offrir une composition pensée choisie élaborée. C’est toujours le même cadrage, la même photographie, mais à chaque fois différente… Le parti pris sériel s’offre au regard qui analyse, questionne, interroge. Chaque option se confronte aux autres et prend sens par le jeu des comparaisons. Le panorama psychologique des multiples appropriations du sujet est vaste. Il l’est d’autant plus que le crâne, afin de l’inscrire dans sa procédure artistique, est un moulage. De ce fait il libère et distancie la gravité qu’aurait imposée une pièce originale . Entre le grave, le méditatif, l’ironique, le ludique, l’indifférent ou le référé cultivé, les expressions et les sentiments semblent rivaliser dans leurs interrogations intimes face à l’espace scénique de son décor éclaté.
Les enregistrements ont été réalisés entre Mars et Novembre 2009 captant le passage de 155 personnes.
Claude Courtecuisse