Gisèle Freund, Jean Cocteau, 1933
Pionnière du photojournalisme et de la photographie en couleur, Gisèle Freund a également été l'une des précurseurs du portrait d'écrivain. C'est parce qu'elle est passionnée de sociologie et considère la photographie comme le moyen de révéler "l'homme à l'homme" que ses portraits font de Gisèle Freund un témoin privilégié de la vie intellectuelle de son temps. Aussi, dans le cadre du Festival de Photo à saint- Germain-des-Près, la galerie Lucie Weill & Seligmann – Charles Zalber – sur le thème des regards croisés: images et mots, présente un ensemble de portraits de Gisèle Freund révélant sous toutes ses formes, la complicité entre photographes et écrivains.
Née à Berlin, Gisèle Freund reçoit de son père son premier appareil photo à quinze ans, un Leica. Elle étudie la sociologie à l'Université de Francfort, adhère au mouvement de jeunesses socialistes et lutte contre la montée du nazisme. À cette époque, elle photographie l'Allemagne en crise et révèle pour la première fois des faits précis sur la vie du IIIe Reich. En 1933, elle se réfugie à Paris et obtient la nationalité française trois ans plus tard. Sous l'impulsion de Wolfgag Shade elle se tourne vers le reportage photographique et devient l'une des premières photographes du magazine Life.
Introduite dans le cénacle des élites parisiennes en 1935 par Jean Paulhan et Adrienne Monnier, elle réalise le portrait d'A. Malraux à l'occasion de la réédition de son roman, la condition humaine, récompensé par le prix Goncourt. C'est son premier portrait d'écrivain.
Gisèle Freund, Simone de Beauvoir, 1948
Dès 1938, Gisèle Freund se met à la couleur. Aussi, la première photographie couleur jamais publiée en France est l'un de ses portraits de Colette dans l'annuaire de la photographie en 1940. Elle décide alors de constituer une collection de portraits en couleurs des écrivains de l'époque. Aussi entre 1938 et 1939 elle en réalise une centaine dont ceux de James Joyce, Samuel Beckett, Simone de Beauvoir, Walter Benjamin, Jean Cocteau, Colette, Paul Eluard, André Gide, Henri Michaux, Henri de Montherlant, Jean-Paul Sartre, Marguerite Yourcenar, Stephan Zweig... " Je n'ai jamais photographié que des auteurs ou des artistes que j'aimais et que j'avais envie de raconter" disait G. Freund.
Aussi, la relation que la photographe entretient avec les écrivains est double. La photographe- sociologue nous montre les écrivains déchus de leurs masques, dans l'univers qu'ils ont crée – jamais en studio-, sans retouche, dans l'intention de capter la véracité de l'homme - écrivain. La photographe reporteur, souhaite dévoiler par ses photographies une vie. Humaniste fascinée par les expressions humaines, Gisèle Freund, décrit l'homme qu'elle prend en photo. Aussi, plus que la capture d'un visage, Gisèle Freund, par ses portraits, nous raconte l'histoire d'un artiste, et fait de ses portraits un récit.
L'amalgame des mots et de l'image est ainsi à son paroxysme dans l'œuvre de la portraitiste Gisèle Freund qui, toute sa vie durant, a photographié des écrivains afin de dévoiler le visage et la psychologie de ceux qui ont exprimé des idées qui lui ont plu.
VIgnette : Gisèle Freund, Jean Cocteau, 1933