© Jeffrey Silverthorne
Comment présenter l'œuvre de Jeffrey Silverthorne qui serévèle ici, pour la première fois, dans toute sa complexité ? Privilégiant la lecture transversale d'un parcours qui retrace 40 années de photographie et autant d'années de questionnements, il a pris le risque d'une exposition qui ne repose aucunement sur une construction chronologique ou sérielle mais sur notre capacité à découvrir un langage qui, tout en s'inspirant des formes photographiques existantes, les transgresse.
--- Pour la nuit blanche, l'expo est ouverte le samedi 1er octobre jusqu'à minuit. ---
Utilisant tous les usages possibles que la photographie permet, jusqu'aux collages et aux photomontages, il alimente pendant toutes ces années ce qui lui permettra de construire ici, l'équivalence d'une fresque, véritable tableau ésotérique élaboré par un certain Mr Lotus, son alter ego, dont nous retrouvons les textes en exergue des 4 chapitres qui ponctuent le catalogue de l'exposition. Ses premières photographies datent de 1970 à La Morgue de Rhode Island. Elles répondent à l'affirmation de Diane Arbus assurant, lors d'une de leurs rencontres, qu'il n'y avait rien là à photographier. S'ensuivent plusieurs séries dont le style n'est pas sans rappeler celle-là même qui est une des seules photographes dont il revendique une certaine influence. Les mises en scène apparaissent dès de début des années 80 avec la série Silent Fires où il joue avec le mythe d'Orphée et Eurydice.
© Jeffrey Silverthorne
À partir de là, il passe du style documentaire – séries Missing, Tex-Mex – à une suite de mises en scènes, de photomontages, de collages reprenant notamment de nombreuses photographies faites à la morgue (dont certaines en couleur) y ajoutant des éléments tels que cartes postales, reproductions de peintures où autres scratches à même le négatif. Dans cette façon qu'a Silverthorne d'aller scruter ses angoisses, ses obsessions, de convoquer les démons, on ne peut s'empêcher de penser à la psychanalyse ou autre thérapeutique mentale, qui amènent les hommes à regarder en face leur souffrance pour tenter de la dominer. C'est en cela, comme dans cette ambivalence récurrente entre la célébration d'être en vie et l'assertion martelée de la décrépitude et de la mort, qu'il nous fait penser à Goya. Dans cette impression de chaos d'où émerge parfois un rire grinçant.
Pour Silverthorne « The photography is a way to think » (La photographie est une manière de penser). En 1988 il affirmait : « Je fais des images pour me souvenir, non pas du motif, mais de mes sentiments et de mes réactions ».
Vignette © Jeffrey Silverthorne