Cinq photographes de l'ancienne agence Sygma, devenue Corbis suite au rachat de Bill Gates en 1999, ont porté plainte le 20 juin 2011 pour «organisation frauduleuse d'insolvabilité», «abus de confiance» et «abus de bien social».
Les photographes Dominique Aubert, Derek Hudson, Philippe Ledru, Mosher Milner et Michel Philippot mettent en doute la véracité de la liquidation judiciaire de Corbis annoncée par l'agence en juin 2010. Par le biais de Jean-Philippe Hugot, leur avocat, ils accusent Corbis d'avoir «vidé de sa substance et transféré la totalité des actifs de la société française vers le siège américain de Corbis, à Seattle, au point d'en faire une coquille vide».
En 2010 Corbis-Sygma justifiait sa mise sous liquidation judiciaire, et le licenciement de 29 salariés, par l'incapacité à régler les frais de dommages et intérêts pour un « contentieux juridique ». En bref, l'agence rejetait la responsabilité sur Dominique Aubert, l'ex-photographe qui venait de gagner 1,5 million d'euros en appel contre Corbis-Sygma, coupable de la perte de 750 de ses négatifs.
Mais les cinq photographes sont persuadés que Corbis s'est servi de ce prétexte pour transférer progressivement les archives de Corbis-Sygma à la branche américaine, Corbis Corporation. En effet, lorsque Bill Gates a racheté Sygma, l'ensemble des photographes de la société se sont vus proposés des nouveaux contrats de diffusion de leurs archives, négociés avec l'agence américaine. Selon Jean-Philippe Hugot, 90% des photographes avaient alors accepté le transfert.
L'inquiétude monte sur le sort des 50 millions de négatifs, diapositives et planches-contacts fournis par plus de 8000 contributeurs, qui sont pour le moment stockés dans un ancien bunker, près de Dreux. Les trois-quart ne font déjà plus partie du patrimoine français et appartiennent à Corbis Corporation.
Ancien fleuron du photojournalisme français, Corbis-Sygma en proie à ces aléas juridiques dépeint la débâcle générale des agences photo, face à une compétition de fer des agences filaires et la chute vertigineuse des prix entrainée par Internet. Sa consœur Gamma-Rapho ne se concentre guère plus que sur la vente d'archives et Sipa Press vient d'être rachetée par l'agence allemande DAPD (voir l’article d'Actuphoto à ce sujet : http://www.actuphoto.com/19426-reprise-par-l-allemand-dapd-a-sipa-ne-s-arra%EF%BF%BDtera-jamaisa-.html).
Marine Forestier, le 29 juillet 2011