© Jane Evelyn Atwood, courtesy in camera galerie
Entre 1976 et 1977, installée depuis peu à Paris, Jane Evelyn Atwood réalise son premier reportage photo, en noir et blanc, dans une écriture à la fois simple, efficace et sensible. D’une rencontre avec une prostituée de la rue des Lombards, elle découvre un univers où tout la fascine : personnages extraordinaires, costumes incroyables, regards portés sur les hommes... L’entrée de l’immeuble est miteuse, les murs crasseux, le sol couvert de mégots, une odeur de pisse envahissante, mais l’envie de mieux connaître ces femmes convaincra Jane Evelyn Atwood de partager leur vie.
Pendant toute une année, elle passe ses soirées et ses nuits à les photographier dans cette maison de passe. A être patiente et à ne pas trop en demander. A être toujours présente, à prendre des photos uniquement quand le moment s’y prête. Empathie avec ses sujets, immersion, refus du superficiel, respect permanent de l’autre, Jane Evelyn Atwood pactise avec le temps et ne lutte pas contre lui.
Si cette année rue des Lombards a été décisive dans son travail de photographe, elle lui a aussi beaucoup appris, en tant que femme, sur la nature humaine, sur les rapports hommes/femmes, sur l’argent et le manque d’argent, et sur le pouvoir ou l’absence de pouvoir. De ces rencontres fascinantes, de ce travail exigeant, est née une profonde amitié avec Blondine, une femme extraordinaire qui aujourd’hui encore reste chère à la photographe.
© Jane Evelyn Atwood, courtesy in camera galerie
“Elles avaient toutes des noms de guerre, même Blondine, ce n’était pas son vrai nom. La Togo, parce qu’elle venait du Togo, Claudine, Corinne, Carine, Sonia, Sandra, Nellie, Natasha, Isabelle, la Grosse Nini, Nadia, Yolaine, Nora, Nathalie- Arabe, Nathalie-Avec-Les-Gros-Seins, ou celle qu’on a appelée Cuisse de Grenouille, ou bien Cuisse de Mouche – à cause de ses jambes comme des allumettes, angulaires, son corps posé en équilibre dessus. Toutes, connues par leur nom de guerre, et presque toutes, maquées, placées là par un proxénète pour la plupart.
En 1976, quand j’ai commencé à les prendre en photo, je ne connaissais rien à la prostitution. Mais je vivais depuis plusieurs années à Paris et j’avais vu ces femmes dans la rue, habillées comme des « stars », chuchotant aux hommes qui passaient. Je voulais les regarder mais sans les dévisager. Tout en elles me fascinait – leurs vêtements, leur maquillage et leur coiffure, leurs bijoux, les regards qu’elles jetaient aux passants. Comment faisaient-elles ? Comment en étaient-elles capables ? A quoi ressemblaient ces femmes ? Je voulais les connaître et la photographie devint un moyen d’y parvenir. Quand quelqu’un m’a dit qu’elle pouvait me présenter une prostituée, j’ai sauté sur l’occasion.” Jane Evelyn Atwood, Paris 2011
“Avec une très grande pudeur, très loin des dérives du spectaculaire et des effets spéciaux, ses images n’ajoutent rien au faits mais tire leur beauté et leur force de la qualité des relations que la photographe a le don d’instaurer avec des personnes qu’elle rencontre.” Armelle Canitrot 1998
Vignette: © Jane Evelyn Atwood, courtesy in camera galerie