© Kovacevic Milomir
Galerie Fait & Cause Rue Quincampoix, 58 75004 Paris France
La fanfare de Stolac fait de la musique pour une communauté qui, de fait, n'existe pratiquement pas. La ville – une des plus anciennes structures urbaines de Bosnie-Herzégovine – a été détruite pendant la guerre et peu reconstruite depuis. Ses habitants d'avant-guerre ont disparu : ils ont été expulsés ou tués.
La fanfare de Stolac a, par miracle, réussi à renouer, dans cette ville ravagée et divisée, avec la tradition du « faire de la musique » pour la communauté. La fanfare est constituée de survivants - membres de l'orchestre d'avant-guerre – et de très jeunes gens qui ne gardent probablement aucun souvenir des années de vie commune et de gloire de la fanfare d'antan. La fanfare n'est pas présentée par une série de photos de groupe ou à travers le processus commun de création, mais par une série de portraits individuels des membres de l'orchestre. Ils
partagent la même position – debout, le même uniforme, celui de leur orchestre – et chacun a son instrument entre les mains. Mais la valeur unique de ces photos ressort du rapport individuel et individualisé que chacun entretient avec son instrument.
Cet orchestre de cuivres va fêter son 80e anniversaire en entonnant l'Ode à la Joie de Beethoven, une des plus émouvantes pages de musique jamais écrites. C'est une musique qui transcende cette communauté que ses dirigeants s'évertuent à rabaisser en alimentant les divisions qui n'ont pas lieu d'exister. Jouer l'Ode à la Joie est un message, un message que ceux qui ont détruit Stolac et qui la maintiennent dans cet état de profonde désolation seraient incapables de comprendre : « Nous sommes là, ensemble, dans cette ville qui reste, contre vents et marées, un lieu magnifique. Nous sommes en train d'y bâtir quelque chose qui dépasse ce qui nous entoure. Et maintenant, laissez-nous vous montrer ce que l'on sait faire...» `
Andrea Lešic.
Vignette: © Kovacevic Milomir