En lien propose les oeuvres de six photographes suisses, installés en Valais mais issus d’horizons différents, autant de visions du monde, autant de questionnements, autant de modes d’expression à travers un même médium. Libres et pourtant riches d’un héritage fécond et pleinement assumé, ils exercent leur art avec une passion et des préoccupations communes.
En lien : est-ce ce qui lie ces artistes entre eux, ou est-ce ce qui nous unit à notre univers familier dans ses aspects les plus évidents comme les plus secrets et nous en révèle les multiples facettes ? Il semble en effet que les clichés proposés ici s’attachent à sublimer le banal et dépasser les apparences. Dans cette capacité de transcendance réside le talent de ces artistes.
Chacun d’eux porte un regard pénétrant sur des sujets tirés du quotidien, comme pour en extraire le sens et la profondeur. Objets, déchets, matériaux usagés, intérieurs dévastés : les choses elles-mêmes ont une vie et une mort ; elles reflètent souvent l’abandon et la solitude qui prévaut dans notre monde moderne. Ainsi l’absence s’immisce dans ce que nous percevons comme trop-plein, la vacuité perce la densité d’une matière ou d’un paysage, le désert git au coeur de l’abondance, la fixité des clichés elle-même rappelle sans cesse la fugacité des instants.
© Julie Langenegger Lachance.
La diversité des approches et des techniques tend vers un but commun : inventorier laréalité. Robert Hofer nous entraîne dans l’univers fascinant des végétaux d’un herbier, semblables à des êtres figés d’une complexité infinie. Alain de Kalbermatten s’intéresse aux rebuts comme autant de témoins décrépits de notre société ; son objectif s’attarde plus particulièrement sur l’atelier du sculpteur Faro, dont il restitue l’agencement disparate, microcosme empreint de la personnalité et des inclinations de l’artiste. Julie Langenegger Lachance quant à elle, s’est penchée sur la restauration du palace Montreux-National,
soumis aux ravages du temps avant de connaître la renaissance. Christian Rappaz use du bougé et des angles insolites comme pour s’interroger sur la consistance du réel et exprimer son refus des structures sociales établies. Plongé dans l’environnement urbain, Daniel Stucki montre les stations désertées d’une ligne de métro de Tokyo, telle une vision postapocalyptique où toute présence humaine serait abolie. Sabine Zaalene photographie le jardin des Tuileries dans sa tenue d’hiver, vide de visiteurs, livré à lui-même, abandonné à la déréliction, à l’image de ce vaste plan d’eau asséché.
En nous proposant, chacun à sa manière, une réflexion sur notre univers, en dévoilant ses dimensions insolites, mais aussi l’omniprésence de la solitude, ces créateurs nous invitent à poser à notre tour un regard différent sur ce qui nous entoure. Texte de Julia Hountou extrait du catalogue En lien, exposition collective de six photographes (R. Hofer, A. de Kalbermatten, J. Langenegger Lachance, C. Rappaz, D. Stucki, S. Zaalene), 13 septembre - 21 décembre 2010, Galerie du Crochetan, Monthey (Suisse), Ed. du Théâtre du Crochetan, 40 pages.