© Oumar Ly
Dans la rue centrale, à l’angle, face au marché et jouxtant l’échoppe du vétérinaire, l’enseigne KODAK signale le studio d’Oumar Ly. Deux larges battants de porte, tenus de chaque côté par une pierre, laissent entrevoir à l’intérieur du studio un banc et une vitrine grillagée où sont épinglées des photos anciennes en noir et blanc. Oumar Ly, photographe et maître des lieux, se tient là le matin et prépare le thé pour ses amis d’enfance aujourd’hui retraités. Ensemble, ils plaisantent et palabrent, avant que l’heure du déjeuner ne les sépare. Monsieur Ly ferme alors la boutique pour retourner vers le quartier Thioffy, où se trouve sa maison.
À sa naissance, en 1943, la concession – une grande cour entourée de maisons basses – était encore une école coranique que dirigeait son père, marabout. Elle cessa de l’être quand, au milieu des années 1940, ce dernier devint, grâce à sa maîtrise de la langue française et de l’arabe, employé de la maison de commerce Guillaume Foy. Le jeune Ly n’apprit jamais à lire ni à écrire. Il fut, comme le voulait la tradition, confié à un marabout pour parfaire son éducation religieuse. L’année de ses 14 ans, son frère aîné vint le chercher pour qu’il cultive le lopin de terre familial. Un dimanche, au fort de Podor, Oumar Ly, venu livrer des légumes, raconte avoir été fasciné par un homme qui tenait un appareil photo. Il le regarde faire. L’homme le photographie. Et, lorsque le jeune Ly repart avec son portrait, il rêve d’acquérir un appareil. C’est sur le quai, à la boutique Morel et Prom, voisine de celle que tient son père, qu’il trouve un Kodak Brownie flash, pour 1 500 francs CFA. Demba Assane Sy, photographe, initiera le jeune Oumar à la prise de vue et au travail de laboratoire.
En 1963, Oumar Ly ouvre le premier studio photo de la ville. La photo est à la mode, on se presse au Thioffy studio. Son Rolleiflex dans une petite valise, le photographe part sillonner les villages pour la campagne de recensement. Avec une économie de moyens Oumar Ly réalise des portraits d’une élégance singulière… Des images justes, simplement justes et libres.