Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Livres
Kertész n'a pas le goÛt du reportage démonstratif. Ce n'est pas sa pente naturelle.
Dans la traversée des apparences il va plus loin, il dit l'éternité des choses et la fragilité des êtres. Pour reprendre la très belle formule du poète surréaliste Paul Dermée, Kertész est un " frère voyant ", tel autrefois le moine qui dans les hospices pour aveugles avait seul l'usage de la vue, guidant les autres pour leur dévoiler le
monde. " Contentons-nous de regarder et de nous laisser prendre par la force poignante de ce passé recomposé, lointain déjà, mais inscrit dans la permanence du cœur. Les clichés [de Kertész] respirent la sérénité. On y lit l'association harmonieuse de la nature souveraine et de l'œuvre paysanne. Chaque puissance affirme son droit, tout est à sa juste place. Kertész nous livre des instants d'éternité. L'anecdote s'abolit. La question de la reconnaissance, du nom à mettre sur tel endroit, telle maison, tel visage, ne se pose qu'après, de même que celle de la précision historique ou géographique du témoignage. Passent d'abord des impressions, des sentiments, de la beauté. La lumière, les ombres, le cadrage, la sensualité des formes et des matières, tout respire l'harmonie du dehors et du dedans. Ces images disent l'accord entre le regard et le monde. C'est la grâce du oui qui s'étend sur la nature, les gens, les bêtes, les choses.
Jean et Renée Nicolas.