Claude Cahun, Autoportrait, vers 1929 Collection Neuflize Vie © Photo André Morin
Jeu de Paume 1 Place de la Concorde 75008 Paris France
L’exposition du Jeu de Paume, la première de cette importance en France depuis seize ans, réunit un large ensemble d’œuvres majeures, dont quelques pièces peu connues ou jamais exposées, et met en valeur à la fois la diversité et l’unité de la démarche photographique de Claude Cahun (1894-1954).
Pour voir le reportage d'Actuphoto au Jeu de Paume, à la rencontre du commissaire de l'exposition Claude Cahun : http://www.dailymotion.com/video/xiwcmb_santu-mofokeng-et-claude-cahun-nouvelles-expositions-du-jeu-de-paume-par-actuphoto_creation
L’œuvre photographique de Claude Cahun s’étend sur une vaste période allant de 1913 à 1954, peu avant sa mort. L’on peut penser que, depuis l’âge de quinze ou seize ans, l’artiste n’a cessé de faire appel à la photographie. Néanmoins, les œuvres qu’elle nous a léguées permettent de distinguer des périodes particulièrement productives : 1914-1920, 1926-1932, 1936-1940, 1947-1950.
Ce sont sans doute ses autoportraits qui ont suscité le plus d’intérêt parmi les théoriciens de la culture contemporaine. L’artiste s’y sert de sa propre image pour démonter un à un les clichés associés à l’identité (féminine, masculine). Claude Cahun (née Lucy Renée Mathilde Schwob) s’est réinventée à travers la photographie (comme à travers l’écriture), en posant pour l’objectif avec un sens aigu de la « performance », habillée en femme, en homme, cheveux longs ou crâne rasé (chose des plus incongrues pour une femme de l’époque). Or parler d’identité, c’est aussi parler indirectement du corps, partant, de l’image que l’on projette de soi, et qui devient sociale dès l’instant où elle est partagée. Contrairement à d’autres artistes – principalement des hommes – qui pratiquèrent le portrait sans jamais s’exposer eux-mêmes, ou rarement (Man Ray, Hans Bellmer, André Kertész), Claude Cahun est à la fois l’objet et le sujet de ses expériences artistiques. En témoignent, chez elle, le soin mis dans le choix de la pose, l’intention de celle-ci, les fonds qu’elle utilise (tissus, couvre-lits, draps, tentures...), le recours à des accessoires précis (masques, capes, survêtement, globes de verre…), même si le point focal de l’image reste essentiellement le visage lui-même.
Claude Cahun, Le Chemin des chats VI, vers1949
Conservation Bibliothèque municipale de Nantes © Bibliothèque municipale de Nantes
On retrouve certaines de ces propositions dans les travaux sur l’objet qui s’annoncent au milieu des années 1920 et se développent durant les années 1930. L’exposition s’attache à mettre en évidence la dimension particulièrement novatrice de ces recherches dont les problématiques, les procédés plastiques et symboliques (agencement scénique, superposition de clichés, photomontage), s’inscrivent dans la continuité des spéculations sur la métamorphose de soi.
L’œuvre de Claude Cahun, dont beaucoup de clichés et de manuscrits ont été perdus lors du pillage de son domicile de Jersey par les nazis, a longtemps été méconnue et tenue éloignée des regards. Grâce à cette exposition, elle est ainsi restituée dans la totalité de ses expressions. Une riche documentation sous vitrines accompagne la présentation des photographies.
On ne peut pas vraiment comprendre l’itinéraire personnel de Claude Cahun sans évoquer la complicité de son amante et compagne, Suzanne Malherbe, mieux connue sous son nom d´artiste, Moore. Certaines œuvres résultent d’une collaboration entre les deux femmes, par exemple les dix photomontages repris dans Aveux non avenus (1930), l’œuvre littéraire la plus célèbre de Claude Cahun.
La dimension politique du couple est indéniable, qui fait valoir un individualisme libertaire et un esprit de résistance contre toutes les oppressions (notamment dans la lutte contre l’oc- cupation allemande dès 1940). Elle se manifeste dans leur adhésion active au surréalisme et leur relation avec André Breton, René Crevel, Robert Desnos… Elles se sont aussi liées d´amitié, à différentes périodes, avec Henri Michaux, Adrienne Monnier, Sylvia Beach, Gaston Ferdière, etc., avant de quitter Paris pour l’île de Jersey, en 1938.
Claude Cahun et Moore, Aveux non avenus, planche I, 1929-1930
Collection particulière © Photo Béatrice Hatala