Fondation Henri Cartier-Bresson 2, impasse Lebouis 75014 Paris France
La Fondation Henri Cartier-Bresson exposera du 4 mai au 24 juillet 2011 le projet du photographe américain Mitch Epstein American Power, l'énergie ou le pouvoir américain.
«Je voulais photographier la relation qui existe entre la société américaine et le paysage américain, l'énergie étant le maillon central. Ces images interrogent la mainmise de l'homme sur la nature,sa conquête à n'importe quel prix.» Mitch Epstein
Le projet American Power a démarré en 2003. Suite à commande pour le New York Times, Mitch Epstein se rend à Cheshire dans l'Ohio. Un village complet doit être abandonné pour cause de pollution. En dédommageant les habitants, l'American Electric Power, la société responsable de la contamination du sol cherche à ce qu'ils partent sans bruit et surtout sans engager de poursuite judiciaire s'ils tombaient malades. Marqué par ce reportage, Mitch Epstein décide alors de se lancer dans un vaste projet intitulé American Power, un tour photographique des Etats-Unis avec pour ligne conductrice l'énergie - son mode de production, son utilisation, et ses doubles ramifications. Entre 2003 et 2008, Mitch Epstein devient, selon ses propres termes, un «touriste de l'énergie», photographiant les sites de production énergétiques - charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydroélectrique, pile à combustible, éolien et solaire - ou leurs environs et leur impact sur le paysage et la société d'un pays avec la plus forte production d'énergie nucléaire.
A l'occasion de cette exposition, le catalogue qui accompagne le projet a été publié en français par Steidl. Chacune des 63 images du livre est un choc visuel, provoquant le dégoût ou la tristesse devant l'avidité de l'industrie et l'indifférence à l'égard de l'environnement.
Centrale thermique d’Amos, Raymond City, Virginie Occidentale, 2004 © Black River Production, Ltd. / Mitch Epstein.
Le projet American Power de Mitch Epstein a reçu le Prix Pictet 2011.
Le mot de la rédaction. Comme à travers ses projets précédents, Mitch Epstein, né en 1952 et formé auprès d'Harry Callahan, Aaron Siskind et Garry Winogrand, montre avec American Power une autre filiation : celle des New Topographics américains et de leurs émules, de Stephen Shore à Joel Meyerowitz. Les paysages sont vastes, les étendues naturelles, souvent désertées par l'humain, impressionnent et fascinent. La chambre grand format appuie ce sentiment d'immobilité et fait ressortir des couleurs profondes, des espaces complexes. Mais à la différence de ses prédécesseurs, Mitch Epstein ne peut plus avoir sur le paysage américain un regard dénué de sous-entendus ; de la génération de Tchernobyl, Deepwater Horizon, Fukushima, il interroge partout le rapport de ces paysages à l'énergie, à ses circuits et ses risques. En arrière-plan d'un jardin paisible et verdoyant, les cheminées de refroidissement d'une usine nucléaire rappellent que le confort telle que notre civilisation l'a conçu a un coût. Sa position d'observateur inquiet le confronte, comme il le raconte volontiers, au coeur de tabous et d'enjeux de pouvoirs : tout au long du projet American Power, le photographe n'a eu de cesse d'être interrogé, soupçonné, arrêté. Comme si ce mode de production d'énergie, autrefois globalement accepté, se déployait aujourd'hui «sur la défensive», de plus en plus considéré comme l'objet des puissants au détriment des populations.
La qualité de la série tient notamment au fait que cette inquiétude (« J'ai travaillé la peur au ventre», dit Mitch Epstein), ne prend que très subtilement la forme d'un plaidoyer. Elle est portée par la grande force visuelle des images et la discrète scénographie de la fondation Cartier-Bresson, qui présente, en plus des photographies d'American Power, les livres déjà publiés par Mitch Epstein.