Galerie Baronian Francey 2 RUE ISIDORE VERHEYDEN 1050 Brussels Belgique
Les photographies de Bruno Serralongue sont celles d’un lecteur qui irait constater une information sur place et de ses propres yeux. Des séries réalisées au milieu des années 1990 jusqu’aux plus récentes, les voyages du photographe ont toujours eu pour origine des informations publiées dans les journaux – qu’ils soient Internet, télévisés, radiophoniques ou papiers.
En un peu plus d’une décennie, Bruno Serralongue a accumulé un véritable catalogue d’événements en tout genre. Festivités, concerts, foires, sommets, forums, rencontres, débats et autres manifestations ont déplacé cet exercice de constatation empirique qui, autrefois, n’excédait pas les limites locales, pour atteindre désormais une dimension globale. Dans des séries telles que Encuentro (1996), Homenaje (1997), « Free Tibet (1998), Corée (2001), World Forum Social Mumbai 2004 (2004), La Otra (2006), ou d’autres plus récentes comme celles consacrées à l’exil tibétain (Tibet in exile (Dharamsala), 2008) ou à l’indépendance du Kosovo (Kosovo, 2009), nous sommes confrontés à des conflits géopolitiques de longue date, dont la complexité a tracé les contours d’une forme trop vaste pour pouvoir être circonscrite par le cadre strict de la photographie.
Ainsi, loin de s’identifier à un essai photographique, son œuvre cherche des modes alternatifs d’articulation visuelle, en marge des modèles narratifs du reportage.
La méthode et sa répétition ont ainsi exclu du travail de Bruno Serralongue la fascination du scoop affichée par le photojournalisme. La différence avec ce genre photographique – face auquel l’œuvre de Bruno Serralongue n’apparaît pas comme une alternative – tient au fait que le contact direct du photojournalisme avec le réel – ce corps-à-corps, comme le dit l’expression consacrée – ne s’établit pas à l’origine de l’information.
La distinction classique qui séparait ce qui arrive devant l’objectif, sa capture par la photographie et sa diffusion postérieure sous forme d’image s’avère être pratiquement annulée. Ces trois moments sont aujourd’hui contenues dans un seul click. Les photographes de l’ère post-media, comme Bruno Serralongue, doivent alors s’interroger sur la signification de ce désir persistant d’éprouver un contact empirique avec l’événement. Nous pouvons seulement supposer que ce désir compense, à la manière d’un correctif, un schéma désormais déficitaire. Le diagnostic sur lequel serait fondée cette hypothèse présuppose que les avancées technologiques de notre régime communicatif nous situent dans une perspective théologique.
Or voilà précisément ce que pose la pratique photographique de Bruno Serralongue : répéter le texte – pas même l’interpréter – moyennant la fabrication d’une image qui accepte de se replier jusqu’à réduire sa fonction à une modalité illustrative et purement dénotative. Ainsi, ses photographies se retrouvent-elles délestées de toute responsabilité informative. La valeur performative de ses séries photographiques s’avère finalement bien plus éloquente que leur contenu iconique.
Carles Guerra
Projet réalisé avec le concours du Centre National des Arts Plastiques (Allocation de Recherche) - Ministère de la Culture et de la Communication.