Dans la maison de mes parents, je glissais comme une ombre. À vingt ans, je n’avais pas d’image. Comme une infirmité. Un vêtement transparent qui flotte sur le vent. Dans ma chambre, la solitude me renvoyait un cri rauque, sans écho. Je sentais un vide. J’avais peur. Vide de l’enfance car la honte s’en était emparée très loin, au fond de moi. Je me raccrochais aux fils invisibles des mots tracés dans mes journaux intimes. Je marchais dans les rues. J’allais voir des films. J’ai habillé mon corps et maquillé mes yeux. Des hommes me regardaient mais ne me voyaient pas. Je cherchais celui qui pourrait m’inventer. Juste avant le gouffre, j’ai rencontré un homme plein d’ombre et de lumière. Ensemble nos cris ont ouvert des parts de vérité. Et nos regards aussi. J’écrivais. J’avais une chambre à moi. Je cachais mes carnets. Ces mots ont tissé la voûte interne de mon corps. Un jour il m’a offert un boitier, j’aimais me capturer. La photo m’a montré mon image. Sans doute, son regard ne me suffisait pas. Le temps est passé. Aujourd’hui, j’ai voulu mettre en correspondance le corps avec la page de papier sur laquelle on écrit quelques mots. Surface sensible de la peau comme une feuille où s’écrit une histoire. Carnets entrouverts et troublants comme un corps nu, abandonné. J’ai voulu rassembler les outils que j’ai pris pour avoir une image. Outils ou bien prothèses de mots et de photos.
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