Installée sur la rive sud du fleuve Sénégal, face à la Mauritanie, fut,du XIXe siècle jusqu’aux années 1940, un florissant comptoir de commerce de l’ambre et de la gomme arabique.
Dans la rue centrale, à l’angle, face au marché et jouxtant l’échoppe du vétérinaire, l’enseigneKODAKsignale le studio d’Oumar Ly.Deux larges battants de porte, tenus de chaque côté par une pierre, laissent entrevoir à l’intérieur du studio un banc et une vitrine grillagée où sont épinglées des photos anciennes en noir et blanc ; aux murs, on peut distinguer de vieux posters publicitaires ainsi qu’une affiche du présidentWade. Oumar Ly, photographe et maître des lieux, se tient assis dans l’ombre du renfoncement, à gauche en entrant.Là, tous lesmatins, il prépare le thé à lamenthe pour ses amis d’enfance aujourd’hui retraités.Ensemble, ils plaisantent et palabrent, avant que l’heure du déjeuner ne les sépare.Monsieur Ly ferme alors la boutique. La température est étouffante, il hèle le chauffeur d’une charrette pour retourner vers le quartierThioffy, où se trouve samaison.
Àsa naissance, en 1943, la concession – une grande cour entourée demaisonsbasses– était encoreune école coraniquequedirigeait sonpère,marabout.
Elle cessa de l’être quand, au milieu des années 1940, ce dernier devint, grâce à samaîtrise de la langue française et de l’arabe, employé de lamaison de commerceGuillaume Foy. Le jeune Ly n’apprit jamais à lire ni à écrire. Il fut, comme le voulait la tradition, confié à unmarabout pour parfaire son éducation religieuse.L’année de ses 14 ans, son frère aîné vint le chercherpourqu’il l’aideàcultiver le lopinde terre familial, oùpoussent salades etmenthe fraîche vendues aumarché.
Undimanche,aufortdePodor,OumarLy,venulivrerdeslégumes,raconte avoir été fasciné par un homme qui tenait un appareil photo. Il le regarde faire. L’homme le photographie. Et, lorsque le jeune Ly repart avec son portrait, il rêve d’acquérir un appareil. C’est sur le quai, à la boutique Morel et Prom, voisine de celle que tient son père, qu’il trouve un Kodak Brownie flash, pour 1 500 francs CFA. Demba Assane Sy, photographe, initiera le jeuneOumar à la prise de vue et au travail de laboratoire.Après son servicemilitaire,Oumar Ly ouvre le premier studio photo de la ville.
Laphoto est à lamode.Onsepresse auThioffy studio oùles jeunes s’ydonnent rendez-vous le soir, à l’heure du thé dansant. La campagne de recensement menée par le gouvernement sénégalais est une véritable manne.
Son Rolleiflex dans une petite valise, le photographe part sillonner les villages à pied, à cheval ou parfois dans la 2 CV du sous-préfet. Le studio s’équipede toilesde fondpeintes : vuesdeLaMecqueouduBoeing747.Et, pour fidéliser sa clientèle,Oumar invente lesmontages de photos ornés de dessins à l’encre, les tirages parfumés au “Kiki 44”…À la fin des années 1980, l’installation de nouveaux studios et l’arrivée de la couleur font une rude concurrence auThioffy studio. F.C.