Musée national des Arts asiatiques Guimet 6, place d’Iéna 75016 Paris France
Le visiteur pourrait être surpris qui, se rendant à Guimet pour découvrir des costumes d’enfants en provenance d’Asie, débute sa visite par les photographies réalisées par Marc Riboud de sa belle-sœur Krishna… À dire vrai, non pas tant de sa belle-sœur que de son jardin à Paris, avenue de Breteuil. Quel est donc le lien entre cette exposition conçue par le musée Guimet et née de la donation que Krishna Riboud fit au musée de sa collection de textiles et de costumes, et ce jardin passionnément soigné ?
L’art de la collection aurait-il quelque chose à voir avec l’art du jardin ? Krishna Riboud avait un œil pour les textiles, qu’il s’agisse des motifs – du plus quotidien au plus sophistiqué, du domestique le plus sobre à l’apparat le plus codifié - ou bien du matériau ou encore du tissage : « L’étude des techniques est d’une valeur inestimable, dit Krishna Riboud, parce que vous commencez à penser à la personne qui les a inventées. ». Parce que la collection est le fruit d’une rencontre, de la fulgurance de l’intuition et d’un persistant travail fait de comparaisons, d’hypothèses, et de vérifications, le jardin serait-il aussi le fruit d’une rencontre ? Celle de la nature et de la main de l’homme, de la fulgurance d’une intuition essentielle et des soins humbles et continus pour la conserver, la retrouver peut-être et la restituer ?
Qu’y a-t-il encore de commun entre les textiles et les essences au jardin de Krishna Riboud ? Peut-être trouvera-t-on un indice dans ces résonances qui surgissent entre le dessin végétal et le motif, entre le décor et l’apparat, entre l’ornement et l’ornemental. Et que voit-on au jardin de Krishna Riboud ? La fleur y est rare, sinon en arbuste (rhododendrons) ou en buisson (pivoines), ni complètement fleur ni tout à fait arbre… Comme si l’ornement floral, la distraction par l’ornementation de fleurs, en étaient absents. Dans les premières écritures de la musique, l’ornementation, la figure du caprice en quelque sorte, du non mesuré en tout cas, avait pour nom – parmi d’autres – « les fleurs ».
Absent du jardin de Krishna, l’ornement est présent aux franges, aux bords ou encore au centre des tissus de l’exposition. Un jardin plante – littéralement – un décor : au jardin de Krishna Riboud, le décor est de buissons, d’arbustes, de branches : foisonnant, saturé de verts étagés et de feuilles aux motifs ciselés, mobiles au vent, sonores dans l’air… Le motif fait le décor de la matière textile, tout comme la terre ancre le dessin végétal. Là où la soie fait miroir de reflets et de mouvement, la fontaine en ruisselant, l’arrosage (« la mousson », l’appellera Marc Riboud) en jaillissant, ourlent les feuilles, les brodent en quelque sorte. La peinture, dans son idéogramme chinois, n’est-elle pas la « condensation » du caractère de la « montagne » et de celui de l’« eau » ? L’eau n’est-elle pas la terre avant qu’elle se fasse pluie ? La terre, la pluie avant qu’elle se fasse montagne ? La peinture sur soie, comme la peinture de paysage de la Chine ancienne, est un soin apporté au décor minéral et végétal, cultivé ou représenté, et traversé par ce qui fait souffle qu’il soit souplesse d’un tissu, moiré d’une teinte, ou bien traversée d’un oiseau ou encore brise courant au jardin.
Jardin au miroir des textiles ou textiles aux reflets du jardin de Krishna Riboud. Deux faces d’une même unité, plus exactement d’une même harmonie, quand l’immobilité d’un tissu saisit pourtant le mouvement du corps et l’orne, quand le foisonnement des fougères au mouvement de l’eau vous suspend à votre regard et à votre écoute. Dessin d’une femme, Krishna Riboud, dessein d’une recherche que l’œil guide : la passion des textiles, la passion du jardin, l’une portée – Krishna Riboud s’enveloppait dans ces textiles d’Asie –, l’autre au contraire retirée. Luminosité des costumes de la petite enfance, contrepoint de l’ombre au jardin. Comme si le jardin était le motif de la passion textile de Krishna Riboud.
Robert Bazelaire / Rêveur de jardins
Créateur de jardins, passionné par le bambou, Robert Bazelaire a réalisé entre autres, à Paris, le jardin - d’inspiration japonaise - du Panthéon bouddhique du Musée Guimet et celui du Musée Dapper, musée d’arts africains ; parmi de nombreux jardins privés et secrets, il a créé le jardin « d’une Indienne à Paris » Krishna Riboud. Des invitations au voyage… Concepteur, venu au jardin par le dessin, ce paysagiste choisit les arbres, les plantes, avec amour et les orchestre… Jardinier par passion, il a collaboré à de nombreuses expositions, comme Résonnances à la Fondation Dapper, L’arche de Noë au Champ de Mars (en collaboration avec H. Mc Connico) et réalisé au musée du textile de Lyon, un jardin d’inspiration japonaise, en écho à la présentation de « Kesa, manteau de nuages », exposition consacrée aux habits de moines bouddhistes de la collection Krishna Riboud. Actuellement, il réalise entre autres un jardin à St. Moritz et poursuit sa création en Bourgogne du Jardin du jardinier des nuages.